La saga des Bibas de Tetouan a Sidi Bel Abbes- Ephraïm, Alfred ENKAOUA-1/2  

LA SAGA DES BIBAS

de TETOUAN à SIDI BEL ABBES

 

En 1492, date de la deuxième inquisition, les juifs vivant encore en Espagne fuient hors des frontières pour ne pas être tués ou convertis de force au christianisme.

Ceux résidant en Andalousie traversent la méditerranée pour se réfugier au Maroc. On les appelle les Mégorashim par opposition aux Toshavim qui sont les juifs qui ont toujours, et depuis plus de XV siècles habité le Maroc. Certains Mégorashim sont d’ailleurs d’anciens Toshavim qui sont passés du Maroc en Espagne. Cette dernière, pendant près de VII siècles, avec la présence arabe et juive a connu un véritable âge d’or.

Les BIBAS sont de notre famille et ont toujours vécu en Andalousie. Ils étaient profondément intégrés dans la société espagnole tout en gardant une identité juive pleine et entière.

Le nom « VIVAS » prononcé et plus tard écrit « BIBAS» est l’expression même de la vie. En fait c’est le souhait que tout juif adresse à son semblable : Que tu vives. En hébreu c’est Haîm. On dit bien « Lehaîm » : « à la vie » à tout instant de la journée.

En fait le nom HAIM BIBAS est outre le fait de magnifier la vie, un véritable pléonasme, mélange d’hébreu et d’espagnol, qui pourrait se traduire : « la vie la vie ».

Nos ancêtres BIBAS revenus donc d’Espagne en 1492 vont tenter de s’implanter dans l’ensemble du territoire marocain, mais ils sont relativement mal accueillis pour des raisons certainement économiques mais aussi d’adaptation. Leur éducation et leur mentalité sont profondément espagnoles.

Curieusement ils préfèrent s’installer dans  des enclaves espagnoles au Maroc: TETOUAN, TANGER, CEUTA, MELILLA qui sont toutes en bord de mer face à l’Espagne.

Ils sont tolérés car ils ne présentent aucun danger pour l’Espagne renaissante, et en plus ce sont de bons commerçants qui faciliteront les échanges économiques entre les deux  pays. Ils continuent de parler le Castillan qu’ils pratiquaient en Espagne et, entre eux ou à la maison la « haquétia » qui est le judéo-espagnol, ce qui est le yiddish pour les ashkénazes.

En 1536 les juifs de Tétouan font appel à un rabbin d’origine espagnole vivant dans la ville de Fès pour régir et organiser leur nouvelle communauté.

C’est Haïm Bibas qui est pressenti. Il va s’y installer avec toute sa famille, et sous sa direction, la ville et la communauté juive vont considérablement prospérer. C’est déjà un Rabbin d’une très haute autorité, grand maître du talmud et d’une très grande érudition. Il est très écouté et très vénéré. Il fonde une grande yeshivah et, par lui une véritable dynastie va naitre et prospérer pendant plus de trois siècles.

Cependant,  très vite des tensions existent entre le Maroc et l’Espagne. En 1610,  le sultan exige des taxes exorbitantes aux juifs. La communauté est rapidement appauvrie : une armée rebelle détruit une partie de la ville et la synagogue Bibas est en partie atteinte. On dit qu’elle était splendide.

En 1655 et plusieurs fois par la suite, de façon cyclique, de nouvelles vagues de terreur surgissent dans la ville : les marocains ne pouvant plus supporter la présence espagnole sur leur territoire.

Cependant les Bibas continuent de diriger la ville. En 1862 on a dénombré 17 générations de rabbanim et de dayanim (juges au tribunal rabbinique) de père en fils, tous très érudits et respectés d’une population sans cesse reconnaissante.

En 1727 on compte sept synagogues. Une imprimerie édite des livres en hébreux ce qui témoigne ainsi de l’état de quiétude et de prospérité de la communauté.

En 1772 après l’expulsion des représentants consulaires de tous les pays, les juifs deviennent même les représentants de divers pays européens et donc des interlocuteurs du pouvoir.

En 1790 des exactions sont malgré tout commises dans la « Judéria ». Elles sont ordonnées par le sultan Moulay Yazid en représailles d’un prêt que la communauté, quelques années plus tôt, lui avait refusé. On brûla des synagogues et assassina sans merci.

La population était d’environ 6000 âmes et les noms de famille fréquents étaient : Bibas, Almosnino, Nahon, Cazes, Falcon, Aboab,  Hadida, Lasry.         

L’ouverture vers l’Europe était telle que bon nombre de juifs du Maroc, des marranes d’Espagne ou du Portugal voire de Hollande ou d’Europe centrale migraient vers Tétouan dont la prospérité n’était plus à démontrer.

C’est ainsi que l’Alliance Israélite Universelle fondée à Paris par la famille LEVEN ouvrira sa première école à Tétouan en 1862. C’est aussi  à cette période que débute la crise hispano-marocaine de 1859-1860. Les espagnols occupèrent Tétouan entre février 1860 et mai 1862. Des conflits importants eurent lieu sur le territoire de la ville et de nombreuses exactions et tueries furent dénombrées. Ce sont encore une fois les juifs qui payèrent le plus lourd tribu.

Cette fois-ci ils ne se relevèrent pas facilement et décidèrent de partir vivre à l’étranger sous des cieux plus cléments.

Mais revenons à notre famille :

Haïm Bibas né vers 1780, rabbin de la XIVème génération depuis son illustre aïeul, eut un fils en 1805 qu’il prénomma  Salomon. Ce dernier épousa Rachel Aboudharam en 1828. Ils eurent 3 enfants (que j’ai pu retrouver avec précision) : Haïm (1829-08/08/1901), Clara (1839-19/01/1899) et Maknine (1841-1920 ?)

Nous sommes les descendants de Haïm.

Clara épousa joseph Hatchuel en 1862 à Tétouan et Maknine Moïse Akrich en 1865.

Ces derniers en qualité d’éclaireurs partent les premiers pour Sidi Bel Abbés car leur premier enfant Salomon naît dans cette ville le 24/08/1867. Clara et Joseph Hatchuel les suivront peu de temps après, ou en même temps que notre ancêtre Haïm.

Ce dernier épousa en 1870 à Tétouan Rachel Benmergui.

Ma grand-mère paternelle Zarhi est la première de cette union née en 1872 à Tétouan.

A cette période, du fait de l’insécurité régnante, une très grande partie des Tétouanais quitte la ville.
Certains iront au Maroc où ils seront pour la plupart plus ou moins mal accueillis.

D’autres préférèrent l’Amérique du Sud. C’est le cas du frère de notre arrière grand-mère Rachel. Il se prénommait Salomon. Vers 1870 à l’age d’environ 18 ans il va vivre à Caracas ou il fait fortune. Il se faisait appeler Alfonso. Il s’associa avec Abraham et Salvador Benzecri tous deux aussi de Tétouan. Ensemble leur  fortune fut telle qu’ils acquirent des îles qui portèrent le nom de « Mergui ». Il semble qu’il fut rejoint par son cousin Salomon Aboudharam vers 1886. Il prit alors le nom de Salvador Hernandez.

Selon Henriette Azen, Salomon Benmergui revint vers 1900 à Oran pour voir sa sœur Rachel. Il lui remit plusieurs pièces d’or qu’elle remit à ses 8 filles. Aujourd’hui Henriette a remis à chacune de ses deux filles une pièce et elle destine la troisième à sa petite fille, fille de son fils Gérard.

La majeure partie des Tétouanais préférèrent partir vers Oran  en Algérie car, non seulement c’était une ville à dominante espagnole, mais de surcroît elle était française de par la  colonisation dès 1830 de l’Algérie par la France. Ils quittaient donc un pays européen : l’Espagne pour un autre pays européen la France.

Un double évènement allait favoriser cet exode :

  • La France avait livré bataille au Mexique pour défendre la Louisiane qui était française. Une compagnie de la Légion étrangère formée de 60 hommes était opposée à un corps d’armée mexicain de 2000 hommes. Les légionnaires dirigés par le capitaine Danjou luttèrent jusqu’au dernier. Ce fait d’armes historique eut lieu le 30 avril 1863. En guise de reconnaissance, Napoléon III de passage à Sidi bel Abbes décida l’implanter la Légion dans cette ville située à 80 kilomètres au sud d’Oran.

C’était à l’époque un bourg arabe créé en 1836 sur une plaine extrêmement plate avec très peu de relief : le Mamelon côté ouest et le Mâconnais côté nord-est.

La légion conçut la ville comme un quartier militaire en pâtés de maisons identiques et à angles droits.

Très vite,  il fallait peupler la ville et,  l’arrivée des premiers Tétouanais constituait une manne exceptionnelle pour la Légion car c’étaient pour la plupart des commerçants.

Ainsi le cœur de la ville était habité par des juifs qui s’empressèrent d’ériger des immeubles et 3 synagogues dans le même pâté de maisons face au marché couvert de la ville.

La première,  et la plus grande, rue Lord Byron, était la synagogue  Beddock, la seconde boulevard de Verdun était la synagogue Lasry, quant à la troisième, rue Catinat, celle que la famille fréquentait, était la synagogue  Sananès.  

Tout comme en France, ces synagogues n’avaient pas pignon sur rue. Pas de fronton majestueux, elles étaient au fond d’un long couloir, et de l’extérieur rien ne laissait supposer ce que ces immeubles renfermaient.

A cette époque et jusqu’en 1962, date de l’indépendance de l’Algérie la majeure partie des commerçants était juive.

La pratique de l’espagnol et du judéo espagnol était la règle dans toute les familles ce qui facilita par la suite l’arrivée des espagnols et plus encore après la guerre civile de 1936. Pour la plupart ils étaient de gauche voir communistes.

Notre famille Bibas a toujours habité rue Mogador tantôt au 12 tantôt au 8 dans la maison Benjo. Et aussi rue Gambetta.

La saga des Bibas de Tetouan a Sidi Bel Abbes Ephraïm, Alfred ENKAOUA-1/2

08/07/2022

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