Il etait une fois le Maroc Temoignage du passe judeo-marocain David Bensoussan
Il etait une fois le Maroc
Temoignage du passe judeo-marocain
David Bensoussan
LES ASSISES DU POUVOIR AU MAROC
Comment définir le pouvoir du sultan au Maroc?
Qu'en était-il des Juifs?
Minoritaires, ils eurent à payer cher pour leur rôle de bouc émissaire de service pendant les périodes de crise et de famine, et notamment suite au décès d'un souverain. En période de troubles, le pillage des quartiers juifs était quasiment de mise : il en fut ainsi durant les bombardements de Mogador en 1844 ou durant les émeutes de Fès en 1912 par exemple. A quelques exceptions près, les souverains alaouites ont eu des relations d'affection envers leur communauté juive qui leur était dévouée sans condition. Les sultans pouvaient en tout temps compter sur l'intégrité et les talents de nombreux notables juifs dans le domaine de la diplomatie et du commerce.
En ce qui a trait aux Juifs berbères, il est bon de mentionner que la fonction de rabbin se transmettait de père en fils tout comme s'il y avait un certain mérite des ancêtres à léguer cette charge, ce qui n'est pas sans rappeler le statut du chérif musulman. Le plus clair du temps, le Juif dépendait d'un seigneur ou caïd.
Revenons à l'autorité du sultan
Le sultan bénéficiait d'une aura religieuse incontestable : « Le pouvoir appartient à Dieu seul. Il le donne à ceux de ses serviteurs qu'il choisit » (Coran, 12-56). Par le biais du Makhzen, le sultan s'appuyait sur toutes les composantes susceptibles d'avoir un pouvoir politique et dans un sens, il constitua l'arbitre suprême capable de donner sa légitimité à tel ou tel groupement. Les sultans qui ne furent pas fermes se contentèrent souvent de demander que l'on ne transgressât pas la loi coranique, ce qui, dans certains cas, constituait une réponse ambiguë.
Mais en bout de ligne, le sultan était Chérif, cadi suprême, chef des armées, administrateur en chef par le biais du Makhzen. Il arrivait qu'il consultât son entourage mais il requérait obéissance et fidélité. Il était supposé être infaillible. La tâche était loin d'être aisée car il fallait prendre en considération des groupements tribaux, religieux et economiques, ainsi que differentes personnalites incluant les privilegies que sont les cherifs. Les dimensions du sacre, du religieux, du civil et du militaire se recoupaient en sa personne. Cependant, c'est a lui qu'il incombait de faire en sorte que ces forces demeurassent sous son controle. II etait ultimement responsable du maintien de l'ordre.
Le sultan pouvait-il disposer de la vie de ses sujets comme bon lui semblait?
Le sultan se sentait libre d'appliquer ou non le chatiment conforme a la sourate 5-37 du Coran : « La juste retribution de ceux qui se rebellent contre Dieu et son messager sur la terre et fomentent sur la terre le desordre est seulement d'etre tues ou d'etre crucifies, ou d'avoir les mains et les pieds coupes en sens alternes ou encore d'etre chasses de la terre. » En outre, il y a un hadith (parole attribute au Prophete) qui dit: « II est de votre devoir d'ecouter ceux qui vous commandent et de leur obeir, tant qu'ils ne vous ordonnent pas de faire quelque chose que Dieu desapprouve. S'ils 1'ordonnent, il n'y a plus qu'a executer et a obeir. » Bien que la legislation qui derive de ces prescriptions soit autrement complexe, il n'en demeure pas moins que dans les faits, la soumission aveugle au souverain a ete observee par ses sujets comme etant un devoir et que par ailleurs, bien des souverains se sont comportes en monarques absolus envers le peuple. Du temps du sultan Hassan Ie, le journaliste britannique Walter B. Harris decrivit ainsi la veneration vouee au souverain : « II etait facile de voir combien tous, depuis le plus grand des vizirs jusqu'au dernier des soldats, avaient crainte et aussi presque de l'adoration pour leur sultan. »