Le Pogrome des Fes ou Tritel-1912- -Paul B.Fenton-Le tritel de Fès vu par un journaliste français

tritel

A3 Souvenirs d'un journaliste: «Quant aux familles juives qui s'étaient attardées au Mellah, surprises par les émeutiers, elles avaient subi toutes les horreurs du viol et de l'assassinat».

זיכרונות של עיתונאי

העיתונאי רובר דיינו מתאר את פרוץ המרד ותוצאותיו הקטלניות באוכלוסייה האירופית והיהודית: ״המשפחות היהודיות שהתעכבו במלאה נתפסו בידי המורדים והיו קרבנות של אונס והרג״.

Les intentions de voyage du sultan connues des indigènes augmentèrent leur ressentiment. «Ayant, dit-on, vendu son pays à la France, il s’en allait, le marché conclu, en toucher le prix.»

Au palais et à l’ambassade, on préparait les caravanes de départ. Le sultan devait se mettre en route le 17 avril pour gagner Rabat. M. Régnault et sa suite se proposaient de partir le même jour, à quelques heures de différence. Des mesures militaires avaient été prises en prévision d’actes hostiles des tribus, dans le voisinage de Meknès. Malgré la sourde irritation des Marocains, Fez demeurait si parfaitement paisible que le Général Moinier avait cru pouvoir ramener vers la côte la plus grande partie des troupes françaises, cantonnées jusque-là, sous les murs de Fez. Cette décision avait paru imprudente au sultan et à M. Régnault qui en exprimèrent l’avis; passant outre, le Général Moinier était parti le 13 avril, avec ses troupes. Deux bataillons demeurèrent au camp de Dar-Debibagh, à quatre kilomètres de Fez.

Des pluies torrentielles, ayant rendu les pistes impraticables, force fut done au sultan et a l'ambassade de retarder leur depart. Cette circonstance les sauva.

Le 17 avril, vers midi, des coups de feu eclataient dans les souks, tandis qu’en cris stridents les you-yous des femmes jaillissaient des terrasses, et couvraient la ville d’une clameur immense. Sans comprendre, tant la surprise etait vive, nous devinions des evenements graves, et chacun, d’instinct, s’armait. Haletants, dans une cours eperdue, des indigenes, des soldats marocains, nous jetaient en passant quelques mots de l'enigme.

Les tabors cherifiens, 3000 hommes en revolte, massacraient leurs officiers et pourchassaient a mort les Francais disperses dans les quartiers eloignes. L’emeute gagnait; des telegraphistes assieges dans leur maison se battaient a 300 metres du consulat de France.

Nous ne comptions dans Fez aucune force militaire, a l’exception des musiciens du ler tirailleurs, des infirmiers et des malades convalescents de l'hopital Auvert, en tout une centaine d’hommes a opposer a la garnison cherifienne abondamment pourvue de munitions.

Aux premiers coups de feu, la basse populace s’etait reunie aux askris pour participer a l’oeuvre de devastation, bientot etendue a toute la ville.

A l'ambassade que l'on suppose particulierement visee par les rebelles, le ministre se concerte avec le general Brulard, qui installe son quartier general a quelques pas de la, a l'hopital Auvert. Infirmiers et musiciens, renforces de six cavaliers de l'ambassade et de quelques civils, prennent position au carrefour des ruelles voisines, et elevent des barrages qui isolent, dans une sorte d’llot, l'ambassade, l'hopital et le consulat. C’est la qu’aboutissent, apres quelques peripeties, les Francais echappes au massacre, des femmes, des enfants, tous revetus de vetements arabes et proteges par des cherifs d’Ouezzan ou par de modestes Marocains d’un admirable devouement. De minute en minute on entend l’orage grandir, la fusillade s’etendre de Fez-Bali a Fez-Djedid, et les balles s’aplatir ou ricocher sur les terrasses de l'ambassade. Quelques askris se sont depouilles de l'uniforme pour circuler en djelaba; ils se glissent jusqu’a nous pour apporter des nouvelles et transmettre les billets de Francais assieges dans leur maison demandant du secours. Par la meme voie, le ministre et le general Brulard envoient leurs reponses: se defendre, tenir; les troupes francaises, deux bataillons, cantonnees a Dar-Debibagh, prevenues, vont arriver pour degager la ville. 

Les emeutiers ont deja fait de nombreuses victimes; la plupart des officiers instructeurs sont tues par leurs soldats avec des tortures et des profanations epouvantables. Des tetes sont promenees triomphalement dans la ville, sur des perches. Des civils, hommes et femmes, assaillis a 1’hotel, ont subi le meme sort; d’autres, blesses et enfumes dans leur maison, se defendent encore et nous avertissent qu’ils sont a bout de resistance, qu’ils vont succomber si les troupes franqaises n’arrivent pas.

Le general Brulard dissimule l’angoisse qui l’etreint, et multiplie par T.S.F., car le fil telegraphique a ete coupe, ses appels au camp de Dar-Debibagh, a Meknes, a Tiflet, a quatre jours de marche de Fez, ou se trouve le general Moinier.

Depuis midi, le pillage et les massacres regnent dans la ville. II est quatre heures et les secours n’arrivent pas.

Cependant au crepitement des fusils Gras qui arment les rebelles, se mele le sifflement rapide des balles Lebel qui y repondent, et bientot, avec quel soulagement, nous entendons la voix du 75. Des actes heroiques s’accomplissaient en ce moment. Un bataillon de tirailleurs tunisiens avait la charge de reprendre une ville de 100 000 habitants pactisant avec la garnison revoltee. Le commandant Philipot, avec trois compagnies (la quatrieme, accrochee en route, ayant du etre abandonnee a elle-meme), reussit, en jetant ses troupes a l’oued Es-Zitoun, a atteindre la porte Bab-el-Hadid et a gagner le quartier du consulat.

C’etait un renfort de 370 hommes. Ils avaient a parcourir les mes etroites de la ville, a la recherche de nos compatriotes assieges. Des reconnaissances partent aussitot, et ramenent a l’ambassade, sous la fusillade des terrasses, quelques Francais. Combien d’autres faudra-t-il abandonner!

A l’exterieur sur les cretes de Dar-Mehares qui dominent Fez, le commandant Felbert installe une section de 75 et deux compagnies de tirailleurs algeriens et senegalais provenant du camp de Dar-Debibagh. Le bordj sud est enleve aux askris.

198 Le Borj Sud est un monument militaire construit par des esclaves chretiens sous le sultan sa’adien Ahmad al-Mansur (1578-1609), en vue de surveiller et proteger la ville; voir Le Tourneau, Fes, p. 105,258.

 La nuit ne ralentit pas la circulation de nos patrouilles, enfermees dans un rayon restreint autour de Fhopital. Peu a peu les nouvelles arrivent a l’ambassade. Elles sont navrantes. On avait dresse une liste des Francais residant a Fez, et suivant les rapports de nos commissaires indigenes, on marquait d’une croix le nom des victimes. Les details atroces abondaient.

Dans la soiree, le sultan avait fait parvenir au ministre, un billet qui reclamait l’envoi au palais d’une compagnie de tirailleurs, pour proteger les magasins de munitions que les rebelles essayaient de forcer et de piller.

Mouley-Hafid annoncait que, menace de mort par les askris, il avait assure sa defense personnels, grace a la garde noir, demeuree fidele, et qu’il donnait asile a quelques Francais, hommes et femmes, refugies au palais.

Lajournee du 18, se passa en combats dans les rues entre nos tirailleurs et les insurges. L’artillerie sur les hauteurs refoulait les groupements de Berberes, accourus des tribus voisines pour participer au butin. A l’ambassade on s’attendait a une attaque. Tous les Francais qui s’y trouvaient reunis avaient recu des armes et, des terrasses ou sifflaient les balles, ils surveillaient les phases de la lutte. Nos barrages avaient tenu. Par bonheur, les tabors revoltes n’avaient ni chef ni direction, et livres a eux-memes ils etaient appliques a piller les banques, le depot des tabacs, la poste et les maisons frangaises.

Surtout, ils s’etaient rues au Mellah qui, pendant trois jours, fiit le theatre de scenes tragiques. Dix milles juifs qui habitaient ce quartier s’etaient enfuis en franchissant le mur du palais et s’etaient installes dans les jardins de la menagerie imperiale. Mais ils manquaient de vivres. Mouley-Hafid leur distribua ses reserves de grains jusqu’a ce que l’ambassade de France put leur faire parvenir du pain. Pour se mettre a l’abri, les juifs s’etaient glisses dans les nombreuses cages vides de la menagerie. La, a travers les barreaux de fer, ils voisinaient avec les lions, les pantheres, les hyenes, les loups, qui prives eux-memes de toute pitance, ajoutaient leurs hurlements furieux aux cris, aux gemissements, aux pleurs, aux prieres des malheureux juifs. Le spectacle etait saisissant.

Quant aux families juives qui s’etaient attardees au Mellah, surprises par les emeutiers, elles avaient subi toutes les horreurs du viol et de l’assassinat. Des cadavres eventres gisaient dans les rues dans un indescriptible chaos. Nos obus a melinite, apres l’incendie, avaient detruit des rangees entieres des maisons. Et les paves, les poutres, les gris des fenetres, les meubles, les paillasses, les bouteilles vides, les papiers parmi tous les pauvres ustensiles du foyer, elevaient a la hauteur d’un etage des barricades infranchissables.

Sur les portes arrachees et percees des balles s’appliquaient des empreintes de mains ensanglantees. La rage devastatrice des emeutiers, en se prolongeant, sauva l’ambassade et les quartiers europeens d’un assaut qui, sous le nombre, eut ete irresistible.

Le 19 avril, la situation s’ameliora. Nous sentions que l’avantage nous revenait. Les tabors revoltes tenaient encore la ville, mais leurs attaques etaient moins vives. Une partie d’entre eux abandonnaient Fez en apprenant l’arrivee imminente de renforts de Meknes; d’autres se rendaient et deposaient les armes. Les pachas de la ville, dont l’intervention avait ete si molles qu’on les soupqonnait de trahison a notre egard, n’avaient en realite conserve cette attitude que par lachete, car la plupart des membres des Maghzen eussent ete en peril en se montrant dans la ville a l’heure ou la revolution s’y dechainait. Pour s’en convaincre, nous nous souvenions de l’angoisse du sultan et des fonctionnaires cherifiens, au cours du siege de Fez par les tribus, l’annee precedente. Les memes dangers les menacaient alors, car la capitale aux mains des askris c’etait l’irruption certaine des Berberes, et un pillage forcene qui atteindrait avant tout le palais et les riches demeures. Le fanatisme du Maghzen n’allait pas jusqu’a affronter cette menace, dans l’espoir incertain de chasser les Francais. Les notables avaient autant d’interet que nous-memes a voir etablir l’ordre dans Fez.

Des grades marocains vinrent se presenter au general Brulard pour se mettre a sa disposition avec les tabors qui s’etaient tenus a l’ecart de la revolte, en demeurant dans leurs casemements. Leur fidelite fut aussitot mise a l’epreuve par le general qui les chargea de tenir des barrages, d’arreter les rebelles et de garder les portes de la ville.

Dans l’apres-midi du 19 arrivait a marche forcee, de Meknes, un bataillon de renforts qui avaient couvert 65 kilometres en une etape. Nous etions desormais maitres de la situation, et le general Brulard pouvait, remettre le commandement au general Moinier, revenu de Tiflet en toute hate.

Les six bataillons d’infanterie et les trois escadrons de cavalerie que ramenait avec lui le commandant chef permirent d’occuper entierement la ville, divisee en secteurs.

La securite revenue, on s’employa a etablir les responsabilites. Le general Moinier se refusait a croire a un mouvement insurrectionnel spontane. II preferait admettre que la mutinerie des tabors etait le resultat d’excitations entretenues par le maghzen contre la France. La passivite des agents cherifiens enfermes chez eux parmi les evenements, les propos tenus par les notables de 'entourage du sultan, la joie manifestee chez les Fassis aux premieres heures de l’emeute, paraissaient autant d’arguments pour mettre la catastrophe au passif de notre politique.

Rober-Raynaud, En Marge du «Livre Jaune», Paris, 1923, pp. 298-304.

199 Journaliste, grand specialise des questions nord-africaines et correspondant de I’Afrique frangaise, Rober-Raynaud fonda en 1905 la DepSche marocaine, un quotidien francophone paraissant aTanger ou il etait en contact permanent avec la Legation de France.

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