Il s’agit d’une conférence d’Henri Bressolette, prononcée en 1976 devant le Comité archéologique de Lezoux et dont le texte m’a été donné par sa famille. Je l’en remercie. J’ai déjà publié ce texte le 6 avril 2013 sur le site des « Anciens du Maroc », article accessible uniquement pour les membres inscrits (http://anciensdumaroc.forumactif.org/). Ce texte a été repris, en partie, dans le livre « À la découverte de Fès », publié en 2016 à l’Harmattan par les enfants d’Henri Bressolette à partir de textes laissés par leur père.

(Henri Bressolette est arrivé à Fès en 1932, pour enseigner l’anglais et le latin aux élèves  du collège Moulay Idriss. Il fut pendant plus de vingt ans secrétaire-général des « Amis de Fès », association pour laquelle il donna de nombreuses conférences toujours très appréciées).

La technique des carreaux de faïence émaillée (zelliges, en arabe) avait été importée du Moyen-Orient en Espagne. Cette industrie florissait en Andalousie depuis de nombreuses années, quand, à la fin du XIIIème siècle de notre ère, les souverains mérinides la découvrirent au cours de leurs expéditions de soutien au royaume arabe de Grenade menacé par la Reconquista. Émerveillés par les revêtements intérieurs de l’Alhambra, avec leur décor polychrome aux reflets métallisés, ils voulurent doter de ces splendeurs la nouvelle ville (Fès-Jdid) qu’ils édifiaient en amont de l’antique cité de Moulay Idriss (Fès el Bali). C’est ainsi que les zelliges furent introduits à Fès au début du XIVème siècle, pour y connaître un engouement qui ne s’est pas démenti depuis sept cents ans.

Les circonstances étaient particulièrement favorables au développement de cette technique, nouvelle pour le Maroc. À cette date, Fès, noyau du royaume idrisside aux IXème et Xème siècles, puis détrônée au profit de Marrakech du XIème au XIIIème siècles par les Almoravides et les Almohades, était redevenue sous les princes mérinides la capitale du royaume maghrébin ; aussi fut-elle prise d’une frénésie de construction. À côté du palais royal à Fès-Jdid, les hauts dignitaires se faisaient construire de riches demeures ; mosquées, oratoires et médersas (médersa: cité universitaire pour étudiants en science religieuse, pourvue d’une salle de prières) sortaient de terre dans les deux villes pour témoigner de la piété des nouveaux souverains qui ne s’étaient imposés que par leur force militaire ; vieilles et neuves, les maisons privées des bourgeois fassis se revêtirent à l’envi de ces zelliges, si bien adaptés au climat et aux habitudes de vie. Bref, les deux villes, l’ancienne aussi bien que la nouvelle, s’habillèrent de neuf et tapissèrent leurs murs de ces riches coloris, immortalisés par le feu contre la morsure du temps.

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Les fabricants de zelliges (Zellaidjiya) s’installèrent au sud-est de la médina, dans le quartier Ferharin, déjà réservé aux potiers, à côté de leurs confrères en céramique, les Harracha (poterie de l’argile blanche) et les Thollaya (faïence polychrome). Récemment, tous ont été recasés à la sortie Est de la ville, en bordure de la route de Taza, sur un emplacement libre d’habitations, où la fumée de leurs fours ne risque pas de gêner le voisinage.

Leur installation ne s’est guère modernisée pour autant : la seule concession au progrès a été la couverture en tôle ondulée pour certains hangars. Mais le reste, dans l’ensemble, est resté rudimentaire. Elle comprend essentiellement :
1- Dans un enclos rectangulaire fermé par de hauts murs, une vaste cour plane, de terre battue, utilisée comme aire de séchage pour les carreaux.
2- Dans un angle, à côté d’un énorme tas de mottes gris-bleu, la fosse à argile, dans son creux recouvert d’eau jaunâtre.
3- Dans un autre angle, le four, coiffé de son capuchon de doum (feuilles de palmier nain), en train de sécher.
4- Tout a côté du four, des bâtisses couvertes en terrasse pour le stockage du combustible : meules de doum et d’herbes sèches, et, étalée, une substance noirâtre et visqueuse, des grignons d’olives, résidus des noyaux après extraction de l’huile ; sous-produit des huileries modernes, ils servent à chauffer les fours, le peu de matière grasse qu’ils retiennent encore en dépit des solvants permettant d’augmenter à volonté l’intensité de la flamme.
5- Des hangars très aérés, ouverts sur un côté, couverts de tôle, pour le séchage à l’ombre, avant cuisson, des carreaux empilés et le stockage des produits finis, en attendant la vente.

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La matière première est l’argile bleutée, de couleur gris-sombre, tirée des parties les plus basses de la carrière ouverte au pied de la colline de Dar Mahrès, à une distance d’environ quatre kilomètres. Elle était jadis transportée par des chapelets de petits ânes aux flancs bossués par les couffes jumelles débordantes de terre brute. Un ânier conduisait une file de quatre à six ânons et faisait six voyages dans la journée. Ces processions trottinantes sont aujourd’hui remplacées par des camions, qui véhiculent en un seul chargement la provision d’argile pour toute une semaine. Si le pittoresque y a perdu, le rendement et l’économie ont gagné au change.

Une fois amenée à pied d’œuvre, l’argile est d’abord concassée grossièrement a la pioche, puis elle est déversée dans la fosse pour la détrempe par l’eau. Par intervalles, un ouvrier la foule aux pieds, puis la laisse reposer. Quand elle est suffisamment imprégnée d’eau, on la sort de la fosse et on la met à égoutter sur le bord une quinzaine d’heures. À la différence de l’argile utilisée pour les poteries, on ne laisse pas « pourrir » celle-ci pendant plusieurs jours : on l’utilise aussitôt. Après qu’elle a été triturée et pétrie, uniquement à la main et aux pieds, dès qu’elle se présente suffisamment homogène, on en dépose une charge sur un plateau de bois que l’on transporte à l’emplacement choisi pour le moulage et le séchage au soleil.

Cet emplacement a été soigneusement balayé et saupoudré de cendre pour faciliter le décollage des carreaux frais. L’ouvrier mouleur s’installe sur une natte, les jambes repliées sous les genoux. Le moule dont il dispose est tout simple : c’est un cadre de planchettes rectangulaire, partagé en deux dans le sens de la largeur par une traverse de bois qui se prolonge hors du cadre, d’un seul côté, pour servir de manche. Il remplit d’argile molle les deux cases carrées, de 13 cm de côté, sur une épaisseur de 15 mm, puis, par le manche qui dépasse, il soulève le moule et le pose à la suite. Une fois démoulés, les carreaux sont laissés sur place pour le séchage au soleil. Au fur et a mesure que le travail avance, l’ouvrier se déplace avec le plateau d’argile et, peu à peu, la cour se recouvre de ces carrés gris-bleu, exposés à l’ardeur du soleil. Si d’aventure un orage survient à l’improviste, les carreaux sont gâtés par les gouttes, et tout est à recommencer. C’est pourquoi, en prévision des pluies hivernales, on prépare, pendant la belle saison, une provision de carreaux à faire cuire en hiver.

Après séchage dans la cour, les carreaux sont transportés dans un hangar, fermé de trois côtés seulement, et empilés pour éviter la déformation pendant le séchage à l’ombre. Au moment voulu intervient le découpage des carreaux frais, qu’il ne faut pas confondre avec la taille des zelliges cuits. Installé a côté des piles, l’ouvrier place le carré d’argile encore tendre sur un plateau de bois, posé à même le sol, mais stable ; il l’écrase de quelques coups d’un maillet plat de façon à égaliser la face supérieure et à la rendre bien lisse ; puis il place dessus la mesure étalon en bois et, à l’aide d’un couteau, il tranche l’excès d’argile. Pour cette opération il a soin de tenir sa lame obliquement, de façon à former un tronc de pyramide dont la base est plus large que le sommet : ainsi protégés, les bords de la face supérieure ne risqueront pas, après cuisson, de s’écailler sous les chocs. (Pour les briquettes de sol, à l’inverse, c’est la face inférieure qui est la plus étroite, pour permettre le scellement dans le mortier et assurer une jointure parfaite des faces supérieures). Les carreaux sortent des mains de l’ouvrier avec leurs dimensions définitives: 11 cm 5 de coté pour 13 mm d’épaisseur. On les étale de nouveau au soleil, puis on les rentre encore dans le hangar pour parfaire le séchage en attendant la cuisson.

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Comme pour toutes les pièces émaillées, la cuisson se fait en deux fois : la première durcit l’argile crue ; la seconde glace par émaillage le carreau déjà cuit. Mais, crus ou cuits, les carreaux se retrouvent ensemble dans le même four, placés seulement à des endroits différents dans la chambre de cuisson.

Les fours affectent la forme d’une calotte ovoïde de quatre métres de haut sur deux mètres de diamètre. Construits à l’extérieur, en briques recouvertes d’un manteau de terre d’un à deux mètres d’épaisseur, afin d’éviter un refroidissement trop brusque, ils s’enfoncent d’un mètre dans le sol. Ils sont pourvus, au sommet, d’un trou pour l’évacuation de la fumée et, au ras du sol, d’une ouverture pour la chauffe : entrée et sortie peuvent être obturées, l’une, hermétiquement, par une dalle de terre cuite, l’autre, avec de gros débris de poterie qui laissent un passage à l’air.

À l’intérieur, le four est divisé en chambre de chauffe, sur le devant, et, à l’arrière, en chambre de cuisson, partagée elle-même en deux par une cloison voûtée à claire-voie en terre réfractaire. Le remplissage du four se fait de l’intérieur d’abord, puis par en haut, mais toujours à partir des parois et en revenant vers le centre. Les carreaux de première cuisson, placés verticalement sur la tranche, sont disposés en alignements de chevrons le long des parois, le centre de la chambre, où l’air est le plus chaud, est réservé aux carreaux de deuxième cuisson : placés verticalement aussi, ils sont accolés deux à deux par leur grande base, de façon que les surfaces à vitrifier soient seules exposées à l’air chaud.

Quand le four est plein, on l’allume par en bas, en jetant un fagot enflammé par l’ouverture ; on alimente le feu d’abord avec du doum (palmier nain) encore un peu vert, puis progressivement avec du demi-sec et enfin du très sec. Pour intensifier la chaleur, le préposé à la chauffe, debout près de la bouche du foyer, égrène à la main une poignée de grignons, en alternant, suivant les besoins, avec l’enfournage du doum et autres herbes sèches (chardons, tiges de carottes sauvages, bâtons creux de fenouil) apportées des champs par de vieilles femmes. Quand les pièces ont été portées au rouge blanc, on arrête la chauffe ; on ferme alors soigneusement l’entrée du foyer pour éviter qu’un coup de froid ne tende les carreaux. On attend trois ou quatre jours avant de décharger le four.

Les pièces sorties du four sont alors triées : on élimine celles de la première cuisson qui ont subi une déformation ; pour les carreaux émaillés, on ne considère que les défauts de la glaçure. Ceux dont l’émail présente un beau poli, bien lisse, constituent le premier choix ; les autres, dont l’émaillage est moins réussi, entrent dans la catégorie inférieure et se vendent, bien entendu, meilleur marché.

L’émaillage s’effectue par simple trempage, sans recours au pinceau. Le liquide préparé a été versé dans une grande terrine assez profonde. L’ouvrier s’assoit à même le sol, les jambes allongées de part et d’autre du vase. De temps en temps, il remue le mélange avec la main pour en assurer la parfaite homogénéité ; il l’allonge au besoin avec l’eau qui se trouva dans une cruche, à portée de main. Les carreaux lui sont apportés par un aide, généralement un tout jeune gamin.

L’ouvrier saisit chaque carreau par la grande base et trempe la surface de la petite base dans le liquide, retourne le carreau et le dépose à terre sur sa grande base. Dès que la surface poreuse, déjà cuite a bu le liquide, son aide accole deux carreaux par les surfaces enduites et va les empiler a coté du four.

La composition du mélange varie évidemment suivant la couleur recherchée pour l’émail, mais elle comprend toujours les deux constituants de base à savoir :
1- La silice, utilisée comme fondant, et fournie par le sable de Meknès (analogue à celui de Nevers), réduit en une poussière extrêmement fine, après avoir été moulu à sec, décanté à l’eau et tamisé sur des crins de cheval.
2- La calcine, mélange d’oxyde de plomb et d’étain, qui se présente, après oxydation de débris de plomb et de vieilles théières, sous la forme d’une matière terreuse jaune-brunâtre.

L’émail blanc s’obtient en mélangeant environ par moitié silice et calcine, la proportion de plomb dans cette dernière est de 100 pour 14 à 16 d’étain. Le blanc est d’autant plus éclatant que la proportion d’étain est plus forte (pour tous ces dosages, je ne fais que reproduire les indications données par Alfred BEL, dans son étude sur les « Industries de la céramique à Fès », ouvrage publié en 1918, malheureusement épuisé et introuvable aujourd’hui).
Le noir n’est autre qu’un brun très foncé. procuré par du minerai de fer oligiste recueilli dans les ravins au pied du Jbel Zalagh, au nord de Fès. Il est passé au feu pour oxydation avant la mouture ; on l’incorpore au mélange dans la proportion de 1 pour 4 de silice et 6 de calcine.
Le brun plus clair est obtenu par l’addition d’un minerai de manganèse en provenance de la Haute Moulouya ; ce produit donne de beaux reflets violacés.
Le bleu était jadis procuré par certains minerais marocains ; mais depuis une centaine d’années, on achète chez les droguistes de la poudre de smalt (à base de cobalt) importée de Manchester ; proportions : 1 de Smalt, 6 de calcine, 4 de silice.
Le jaune citron est à base de sulfure d’antimoine (stibine).
Le jaune plus foncé est donné par de la limonite et de l’hématite brune, recueillies sur les bords du Sebou à cinquante kilomètres au sud-est de Fès ; proportions : 1, pour 6 de calcine et 4 de silice.
Le vert s’obtient avec l’oxyde de cuivre. Dans le foyer du four de potier on oxyde des débris de cuivre rouge, que l’on pile ensuite et moud à l’eau. Proportions: 1, pour 12 de calcine et 6 de silice. Le vert est commun si la dose d’oxyde est faible; plus soutenu, jusqu’au vert de l’olive. si on augmente la dose.

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Ainsi, à part le smalt, d’importation, tous les autres produits utilisés comme colorants sont de provenance marocaine. Ils étaient jadis broyés dans des moulins à eau, actionnés par le courant de l’oued Fès ; aujourd’hui, ils sont moulus dans des appareils mécaniques mus à l’électricité.

Après la deuxième cuisson qui a fixé l’émail, les carreaux sont prêts à l’emploi. Mais jamais les zelliges ne sont utilisés entiers ; la forme même qu’on leur donne, en tronc de pyramide, l’interdit, à la différence des briquettes de sol employées telles quelles en dallages à bâtons rompus.

C’est alors qu’interviennent les mosaïstes ou découpeurs de zelliges. Leur outil est un marteau d’acier, renforcé en son milieu autour de l’œil, sans tête, mais doté en revanche de deux pannes très effilées, que l’ouvrier tient en permanence affûtées très fin, en les aiguisant sur une pierre plate de grès, posée à même le sol. Le carreau a été préalablement marqué à l’encre, violette pour le blanc, blanche pour les couleurs sombres, par un jeune apprenti, le plus souvent un enfant, qui, suivant le contour d’un modèle à l’aide d’un bout de roseau pointé en tire-ligne, trace sur l’émail le profil de la forme à découper.

Le découpeur est assis par terre sur une natte, les jambes repliées sous les genoux ; devant lui se trouve son établi. C’est essentiellement une dalle en calcaire de cinq centimètres d’épaisseur, inclinée de 45° à l’horizontale et arrondie en ovale à son extrémité. Un bâti de briques et de pierres sèches assure sa stabilité. L’ouvrier applique à plat, de la main gauche, contre le bord supérieur de la dalle, le carreau à découper d’après les lignes tracées sur l’émail. Appuyant le bout du manche de son marteau sur sa cuisse droite, de façon à faire décrire à l’outil un arc de cercle d’une amplitude égale, il frappe avec le tranchant le carreau. à coups légers d’abord, puis d’un choc unique plus sec, il détache le morceau.

Un second ouvrier, assis devant un établi voisin, reprend le morceau découpé et, avec son marteau, rogne la tranche de manière à rendre plus étroite la base non émaillée: cette taille en biseau facilitera le scellement du fragment de zellige dans le mortier.

Avec une habileté incroyable, une sûreté de main sans défaillance, ces artisans réussissent à ciseler dans la faïence toutes les formes imaginables, carrés, losanges, rectangles incurvés, triangles, croissants, étoiles, et même, prodige de dextérité, à suivre les méandres de l’écriture arabe, aussi bien en creux qu’en plein, de sorte que les deux pièces complémentaires, mâle en noir, femelle en blanc, s’emboîtent avec précision, sans le moindre jeu : une vraie marqueterie de céramique !

Ces mêmes artisans mosaïstes excellent encore à exciser avec leur marteau la surface des zelliges, ne laissant subsister le vernis que sur les lettres, en particulier pour les bandeaux épigraphiques en cursif andalou, d’une élégance insurpassée qui, sur les parois intérieures des médersas et des mosquées, font courir des versets du Coran à la louange de «  Dieu puissant et miséricordieux, refuge contre Satan le lapidé ». tandis que des cartouches de céramique en caractères coufiques, anguleux et symétriques, répètent sans fin le nom d‘Allah, l’Unique.

La pose de ces découpes de zelliges appartient aux maçons. Ils les disposent sur un mortier de chaux grasse de cinq à six centimètres d’épaisseur, dans lequel ils les font pénétrer a l’aide d’une batte de bois. Les joints sont coulés à la chaux grasse. La surface est ensuite frottée a la sciure imprégnée d’huile pour enlever les bavochures et procurer le brillant. Le merveilleux assemblage est alors en place et achevé.

Depuis le XIVème siècle, les zelliges étalent leur dentelle de céramique sur les faces des minarets et ceinturent leurs sommets d’un bandeau d’étoiles polychromes. Les portes triomphales de la ville, les fontaines publiques, l’entrée du palais royal se parent encore aujourd’hui de cette tapisserie de faïence multicolore qui reproduit en céramique les splendeurs printanières de la campagne marocaine. A l’intérieur des maisons bourgeoises de Fès, les murs, les couloirs, les colonnes jusqu’à une hauteur de deux mètres sont revêtus de ces décors qui se déploient en damiers multicolores, en floraisons d’étoiles polychromes, en assemblages géométriques aux entrelacs subtils, dans un poudroiement d’or, de pourpre, de turquoise ou d’émeraude. C’est la grande originalité de la civilisation marocaine. D’autres pays emploient les carreaux de faïence vernissés, mais seule, la construction arabe utilise des découpes de zelliges taillées dans les carreaux de céramique, qui lui permettent de donner libre cours à sa fantaisie décorative.

Les zelliges subissent la concurrence des carreaux modernes en céramique,fabriqués mécaniquement, plus solides, moins coûteux, mais infiniment moins beaux. Si ce revêtement à bon marché s’introduit dans les demeures modestes, en revanche, il n’est pas un bourgeois de Fès, pourvu de moyens adéquats, qui ne veuille, aussi bien en ville nouvelle qu’en médina, parer la demeure qu’il fait édifier, du coloris somptueux des zelliges. Comme pour les vêtements, il existe une mode, tant pour la forme des découpes et leur disposition que pour leur couleur. « En étudiant le décor depuis le XlVème siècle à Fès, on écrirait un des plus beaux chapitres de l’art décoratif musulman au Maroc » A. BEL.

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La corporation des Zellaidjiya reste très vivante : en décembre 1974, elle comprenait 11 maîtres-artisans, 120 ouvriers. répartis en dix ateliers. De leur côté, les mosaïstes comptaient 83 maîtres-artisans, 120 ouvriers dans 41 ateliers ((Chiffres officiels fournis par M. Mohammed EI lraki, Inspecteur régional de l’Artisanat de Fès). C’est dire la vitalité de cette industrie artisanale si pleine d’originalité.
BIBLIOGRAPHIE :
– Alfred BEL : Les industries de la céramique à Fès. 1918.
– Comte M. de PERIGNY : Fès, capitale du Nord, 1920.
– LE TOURNEAU, PAYE, VICAIRE : La corporation des potiers de Fès. 1935.
– H. BRESSOLETTE : Les potiers de Fès, conférence prononcée le 20 septembre 1974 devant le Comité archéologique de Lezoux.
– H. BRESSOLETTE : À la découverte de Fès. L’Harmattan 2016

(À propos de Lezoux voir http://www.lezoux.com/)