Les juifs de Safi et la pieuvre des protectorats

2 – Les puissances étrangères enveloppaient leurs accusations sous une couverture humanitaire. Mais en réalité, elles n'étaient guère sincères. Leur but consistait en fait à briser la cohésion qui existait entre les juifs marocains et leurs concitoyens musul­mans et à semer l'aversion et la divergence entre deux clans, cherchant des prétextes qui justifieraient leurs interventions dans les affaires internes du Maroc. La vanité de leurs accusations transparaissait ainsi :

2.1. Ces puissances qui n'ont cessé d'élever leurs voix pour sauver les juifs du Maroc de « l'injustice et du mépris », n'étaient guère sincères et agissaient selon la loi du profit quand elles accordaient leur protection. Les points suivants le prouvent :

À l'occasion de la Fête du Trône de l'année 1944, au moment où le Maroc entier criait sa volonté d'indépendance, le roi Mohammed V reçut une délégation des juifs de la capitale, Rabat, et s'adressa à eux, d'après un rapport confidentiel adressé à Paris par la Résidence Générale, en ces termes : « Vous êtes mes sujets au même titre que les musulmans et pour cela je vous salue et je vous aime. Soyez sûrs que vous trouverez toujours auprès de moi toute l'aide dont vous aurez besoin… Je vous répète que je suis décidé à vous garder comme à vos frères musulmans, la même considération et la même solli­citude. Cette fête est notre fête commune. » [D'après Germain Ayache, « Mohammed V et les Juifs du Maroc », Conférence internationale au sujet de « Mohammed V le Leader »/16 au 20 novembre 1987, pp. 120-121.]

Certaines puissances supprimaient de leurs registres des juifs qui jouissaient auparavant des avantages de leur protectorat. Ainsi, le consul de France, Monsieur Nagiard, élimina en 1890 du protectorat de son pays quatre juifs de Safi : Ishaq Ohayon, Haroun Boukdada, Nessim Liwy et son frère Ishaq, pour l'évidente raison qu'ils étaient pauvres, chômeurs et qu'ils ne pouvaient être d'aucune utilité.

Les puissances étrangères choisissaient exprès leurs « protégés » parmi les juifs fortunés, instruits et ayant une grande expérience dans le commerce, pour en tirer le maximum de profits, en s'infiltrant dans l'économie du pays. On trouve dans une correspondance du doyen du corps diplomatique à Tanger, le ministre plénipotentiaire britannique Drummond-Hay, en 1879, littéralement : « Les Marocains juifs qui ont acquis la protection habituelle sont choisis parmi la classe juive nantie. »

Jusqu'en 1879, les juifs sous protectorat consu­laire étaient une minorité, représentant environ mille cinq cents juifs fortunés avec leurs familles. Ce nombre représentait moins de 0, 75 % de l'ensemble des juifs du Maroc, estimés à deux cent mille âmes lesquelles en majorité « n'ont jamais profité des avan­tages de cette protection étrangère ».

Les puissances étrangères qui élevaient la voix pour « protéger » les juifs du Maroc, ont de tout temps dissimulé leur haine envers ces derniers, à l'exception de la France qui a contribué à libérer la minorité juive. Pour la plupart de ces pays, le fana­tisme religieux et les mauvais traitements de la population juive faisaient partie de la « pratique religieuse » parce qu'ils accusaient les juifs de l'assassinat du Christ. Même la France, pourtant libérale, a continué jusqu'au XIVe siècle à souffrir de l'antisémitisme. La meilleure preuve en fut la célèbre condamnation de Dreyfus. Au cours du jugement de ce juif innocent, la population française criait de toutes ses forces, attribuant aux juifs les pires et les plus vils qualificatifs, et appelait à leur éradication. Cela poussa Hertzl qui suivait l'affaire en tant que journaliste, à créer le sionisme et à rechercher un pays pour la diaspora juive européenne, pour échapper à l'antisémitisme qui s'était implanté dans les esprits européens rendant l'intégration des juifs impossible. Il pensa que la seule solution consistait à trouver un pays pour les juifs.

Les puissances européennes ont largement participé aux malheurs et à la faiblesse du Maroc, dans sa sécurité, dans son économie et dans sa puis­sance militaire. Ajoutée à cela, la multiplication des injustices et des abus des responsables – gouverneurs et caïds -, qui croyaient que leur tyrannie pouvait contenir la situation catastrophique avant qu'elle ne leur échappe et que les structures de l'État déjà ébranlées ne s'écroulent entièrement. Le feu de leurs abus n'atteignit pas uniquement les juifs qui ne furent pas seuls à en souffrir : ils étaient logés à la même enseigne que les musulmans. Les droits des deux communautés étaient spoliés, leur honneur bafoué et nul ne pouvait les préserver des injustices des responsables. Ils n'y avait aucune loi respectée qui les protégerait de la tyrannie et du mépris.

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