Ses premieres annees au 'heder
A Meknes, le tsala’h, lieu de priere, servait aussi de Talmud-Tora aux enfants du mellah. Dans ces lieux simples, mais impregnes de saintete, des maitres prives, auxquels les parents versaient un modeste ecolage, enseignaient aux enfants les premiers éléments de connaissance de la Tora et de piété. Lorsqu’ils grandissaient, les plus doués se groupaient autour de l’un des nombreux érudits dont Meknès regorgeait. Aucun cadre n’existait pour les filles qui acquéraient leur savoir et toutes les halakhoth pratiques auprès de leurs mères et grands-mères, respirant depuis leur plus jeune âge une atmosphère de foi et de crainte de D.
Ci-après, une description laissée dans ses écrits par Rav Maïmon Ben Attar, rabbin de Meknès qui se rendra plus tard en Égypte :
Quand j’avais cinq ans, mon père m’a conduit chez un maître qui m’a inculqué avec amour le Pentateuque et sa traduction en judéo'arabe, ainsi que le commentaire de Rachi. J’ai aussi appris trois sortes d’écriture, comme on le faisait à l’époque : écriture semi-koulmous (une écriture cursive locale moitié hébraïque moitié ‘aramith’), l’écriture de Rachi, et celle dans laquelle on écrit le Sefer Tora.
Lorsque j’eus dix ans, après avoir terminé ce qu’on pourrait appeler mon ‘cycle scolaire’, j’ai rejoint une sorte de yechiva où l’on étudiait le jour et la nuit et où je me suis consacré à l’étude du Talmud et de ses commentaires. Grâce à D., l’étude me comblait et m’aiguisait l’esprit, et je me suis formé au iyoun (approfondissement par questions, recherche, comparaison entre raisonnements, etc.) grâce à mon maître et Rav. Le matin, on étudiait la souguia de la Guemara (déchiffrer et mettre au clair le raisonnement des Sages sur un sujet donné) avec Rachi et Tossafoth. Laprès-midi jusqu’au soir, nous révisions, entre élèves, ce que nous avions appris le matin. Après la prière du soir, nous revenions au domicile du Rav pour reprendre tout ce que nous avions appris, jusqu à très tard dans la nuit.
Nous dormions dans la maison du Rav tous les jours de la semaine et ne rentrions à la maison que le vendredi soir. Lorsque nous allions au lit, un élève restait éveillé pour nous lire quelques lignes de moussar dans des livres comme le « Chévét Moussar » ou le « Pélé Yoets », afin que nous nous endormions ‘sur’ des divrei Tora, des paroles de Tora : ce même élève ne posait la tête pour dormir que lorsque tous les autres étaient endormis. À quatre heures du matin, nous nous levions pour faire tous partie des dix premiers arrivés au beth hakenesseth.
Au lever du jour le jeune Baroukh se dépêchait de rejoindre son père au beth hakenesseth familial, l’oratoire de Rabbi Chemouèl Tolédano. Prier dans cet endroit équivalait à ‘étudier’, car l’élite de Meknès s’y trouvait : trois générations de rabbanim, soit au moins soixante véritables érudits !
Telle était l’atmosphère première dont Rabbi Baroukh s'est imprégné durant ses jeunes années : une famille prestigieuse avec un riche passé d’étude de la Tora et de responsabilité communautaire ; une communauté préservée des influences étrangères et vouée tout entière à la crainte de D. et à l’observance des mitsvoth ; des récits prodigieux à propos d’ancêtres des générations passées ; une prière authentique et sincère, et une vie entièrement articulée autour d’une valeur suprême : Tu y méditeras dans la Tora jour et nuit.
Ce sont ces valeurs qui ont façonné la personnalité du jeune Baroukh et l’ont marqué pour la vie. Même après des années, les Anciens de Meknès le montraient du doigt en se disant l’un à l’autre : « Voilà un échantillon vivant du Meknès de jadis ! Il est le produit de la « Jérusalem du Maroc » dans toute sa splendeur ! »
La vie et l'impact de Rabbi Refael Baroukh Toledano–Meknes- Rabbi Yaacov Toledano« La synagogue de la Lionne
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