Daniel J. Schroeter-Les Juifs de l’Atlas et du Sud marocain

Les Juifs de l’Atlas et du Sud marocain

Mis à jour : mercredi 25 novembre 2015 16:17 

Introduction historique
d’après Daniel J. Schroeter

Aujourd’hui, il reste peu de traces des communautés juives disséminées dans les villages des montagnes du Haut Atlas et dans les ksour du Sud du Maroc. La riche collection photographique de Elias Harrus a capté cette population juive diverse et ancienne, dans ces régions où domine la langue berbère, à peine quelques années avant l'émigration massive, surtout vers Israël, au cours des années 1950 et au début des années 1960. Les quelques juifs qui restèrent dans ces communautés rurales se firent rapidement rares et ont aujourd'hui quasiment disparu, mis a part un très petit nombre d’entre eux, vivant encore dans plusieurs villes du Sud.
Quand les juifs arrivèrent-ils dans ces régions rurales éloignées, souvent situées a quelque distance des grandes cités du Maroc ?
Des juifs ont vécu parmi les Berbères, premiers habitants connus de l'Afrique du Nord, depuis l'Antiquité. Les origines du judaïsme marocain sont enveloppées de mystère et font l'objet de nombreuses légendes. Les juifs d'Oufrane (Ifrane), dans les monts de l'Anti-Atlas, soutiennent que leurs ancêtres arrivèrent plus de deux mille cinq cents ans auparavant, fuyant Jérusalem lors de la conquête babylonienne. Les historiens arabes du Moyen-âge furent les premiers à consigner la tradition selon laquelle des tribus berbères (Amazigh; pluriel Imazighen) se seraient converties au judaïsme plusieurs siècles avant l'arrivée de l'islam, au VIIe siècle de l'ère chrétienne. Des documents historiques attestent l'existence de nombreuses communautés juives dans la vallée du Draâ, dans le Sous, dans le Haut Atlas et sur la bordure saharienne depuis le Moyen âge. Bien que les voyageurs du XIXe siècle et les administrateurs de Protectorat du XXe siècle aient considère ces juifs comme isolés du vaste monde, les diverses cultures des juifs de l'arrière-pays berbère indiquent leurs origines variées : israélite et berbère, arabe et séfarade.
Les juifs au Maroc, de même que dans le reste du monde musulman, étaient définis par la loi islamique comme des dhimmis, littéralement “personnes protégées”. Dans d'autres parties du monde musulman, ce statut était également assigné aux chrétiens et parfois à des membres d'autres religions, qui étaient tenues pour légitimes tout en étant inférieures a l'Islam. Au Maroc, seuls les juifs étaient des dhimmis puisque les autres indigènes restés non musulmans avaient disparu durant le Moyen âge. Ce statut légal signifiait que, en échange de l'acquittement d'une capitation annuelle (appelée djizya) dont tout juif adulte de sexe masculin était redevable et de l'acceptation d'un certain nombre d'inhabilités symbolisant l'infériorité des non musulmans, l'état islamique garantissait la protection des communautés juives ainsi que leur droit a pratiquer leur religion. Cependant, dans la plus grande partie de l'arrière-pays berbère du Maroc, particulièrement dans les monts de l'Atlas et sur les marges du Sahara, le contrôle du gouvernement central était très relâché, si ce n'est entièrement absent. On désignait ordinairement ces régions par le terme de bled al-siba ou “pays de la dissidence”, par opposition au bled al-makhzan ou “pays du gouvernement”.
 

juifs
 
 
En conséquence, dans la plupart des régions berbères, la protection de la communauté juive incombait davantage au cheikh ou au gouverneur (caïd) de la tribu locale qu'au sultan. La relation entre le cheikh et les juifs se perpétuait de génération en génération et la protection des juifs était considérée comme sacro-sainte. Ce système fonctionnait en raison du rôle important joué par les juifs dans l'économie rurale. Eléments de la société étrangers a la tribu, les juifs vivaient en dehors du système politique des alliances et des rivalités. Les musulmans se fiaient donc à eux, membres neutres de la société, pouvant traverser les frontières tribales et remplir des taches importantes en tant que marchands, colporteurs et artisans itinérants. Le fait que ce rôle d'intermédiaire devait être maintenu dans l'intérêt des factions rivales souligne la fonction vitale occupée par les juifs dans l'économie rurale.
Le quartier juif, connu sous le nom de mellah, désignait à l'origine un quartier de Fès dans lequel les juifs furent contraints de vivre au XVe siècle; le terme de mellah en vint a signifier, dans tout le Maroc, le quartier juif et, par extension, la communauté juive. Dans certains villages et petites villes berbères le mellah était séparé des quartiers musulmans par un mur et un portail. Mais dans la majorité des cas, le terme désignait simplement une ou plusieurs rues, habitées par dix à vingt familles juives et où se trouvait la synagogue. Très souvent, les maisons des juifs jouxtaient celles des musulmans. En comparaison avec la vie des juifs dans les villes plus grandes, les juifs et les musulmans des régions rurales cohabitaient dans le même espace beaucoup plus étroitement, et pacifiquement la plupart du temps.
Les juifs étaient intégrés au tissu culturel du Maroc rural, ils avaient des coutumes communes avec leurs voisins musulmans : l'habillement, la nourriture, la vénération de saints hommes et, à l'occasion, de saintes femmes, ainsi que les rythmes et les modes de la vie quotidienne. Les liens sociaux et économiques entre les juifs et les musulmans dans les régions de culture berbère étaient très étroits, bien que chaque groupe ait aussi gardé des traits culturels distincts et des limites religieuses très strictes. Alors que dans toutes ces régions les juifs parlaient berbère, car d'aussi loin que les gens se souviennent, ils parlaient l'arabe vernaculaire (avec des tournures spécifiquement juives) dans la plupart des mellahs, comme leur langue maternelle. Ils écrivaient en judéo-arabe, employant des caractères hébraïques pour transcrire leur parler marocain. Bien que la nourriture consommée par les juifs ressemblait beaucoup à celle des musulmans, leurs lois alimentaires leur interdisaient de consommer des repas préparés dans des maisons non juives. Par ailleurs, ils pouvaient manger des œufs, des olives, du miel, de l'huile ou des produits laitiers chez leurs voisins. Alors que les costumes des juifs et des musulmans paraissaient très semblables, un examen approfondi révélait presque toujours des signes distinctifs chez les juifs, qu'il s'agisse de la couleur du vêtement du dessus ou bien de la sorte de coiffe portée par les femmes et par les hommes. La loi islamique stipulait que les dhimmis devaient porter un vêtement les distinguant des musulmans (et leur interdisait par exemple le port d'un turban), mais dans le pays berbère, les traits distinctifs permettant de reconnaître les juifs relevaient davantage de la coutume que de l'exigence légale

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