Le Pogrome des Fes ou Tritel-1912-Paul B.Fenton

Le samedi 27 avril, l’événement se résuma en un simple entrefilet en première page du Matin annonçant que: «Fez est calme» et qu’une «commission formée de notables arabes, européens et israélites va se charger de l’assainissement de la capitale. Des sommes importantes ont été réunies pour secourir les israélites affamés. Le sultan a donné 10 000 francs, Mr Régnault 5 000 francs et diverses personnalités marocaines 10 000 francs.»

Enfin un reportage anonyme sur le sort des Juifs, paru dans l’hebdomadaire L’Illustration en date du 11 mai, fit le tour du monde grâce aux photographies fort impressionnantes, prises par le Dr Weisgerber, qui l’accompagnaient

La presse britannique exploita essentiellement les informations transmises par Macleod, consul de la Grande Bretagne à Fès, et par son voisin le Dr Egbert S. Verdón, médecin de la mission protestante de Fès.

Informé par des dépêches en provenance de son correspondant à Tanger, le Times londonien mentionna le 23 avril le massacre des Juifs et précisa le lendemain qu’en plus de centaines de blessés et de milliers de Juifs menacés d’inanition, le nombre des morts s’éleva à 55. Le 26 avril, le Times ajouta un détail ostensiblement absent des tous les reportages français – les Juifs marocains ne purent se défendre comme ils le firent à des occasions précédentes car ils avaient été désarmés par les autorités françaises .

La presse juive

Comme on pouvait s’y attendre les événements de Fès eurent un retentissement considérable dans la presse juive dans toutes les langues. Les activités sociales et scolaires au Maroc de l’Alliance, de l’Anglo-Jewish Association et du Hilfsverein ainsi que les efforts déployés par le représentant américain à la conférence d’Algesiras en faveur des Juifs marocains avaient contribué dans une large mesure, à placer sur l’échiquier international l’actualité juive dans l’Empire chérifien. Par la suite, les communiqués de presse qui suivirent la catastrophe contribuèrent à sensibiliser l’opinion juive internationale et à susciter une formidable campagne de secours en faveur de leurs frères sinistrés.

Depuis la célèbre mission au Maroc de Sir Moses Montefiore (1784-1885) en 1864, les pages du Jewish Chronicle londonien manifestèrent un intérêt constant pour les Juifs de l’Empire chérifien. S’agissant d’un hebdomadaire, ce ne fut seulement le 26 avril que le journal rendit compte des événements du Maroc avec une synthèse à la fois de la presse britannique et des informations transmises par voie consulaire. Le président de la communauté tangéroise, Isaac Abraham Abensur, alerté par le ministre britannique de sa ville, Sir Reginald Lister, avait contacté directement le journal, surtout pour demander du secours à la communauté juive anglaise . Il fut question du massacre de «centaines de victimes» parmi les Juifs dans son numéro du 3 mai, qui transmit également les premiers détails de l’aide prodiguée aux sinistrés par la communauté juive britannique. Le 10 mai le Jewish Chronicle communiqua les récits choquants de témoins oculaires, notamment celui d’une Anglaise de Fès ainsi que celui du Dr Verdon, le médecin de la mission protestante qui avaient soigné les blessés juifs .

            Isaac Abensur (m. 1937) fut interprète puis vice-consul de l'Angleterre. Il fut élu à la présidence de la communauté et, plus tard, à celle de l'Assemblée législative de Tanger.

Désormais le Jewish Chronicle fit état régulièrement dans ses pages des donations au Fez Fund ouvert à Londres. En revanche, son homologue philadelphien Y American Exponent, fondé en 1887, offrit l’une des analyses les plus longues et les plus averties de la situation au Maroc sous la plume de David Werner Amram .

N’oublions pas que Berlin avait également des intérêts coloniaux en Afrique du Nord et que le Hilfsverein proposait son secours aux Juifs du Maroc depuis le début du siècle. Aussi le judaïsme marocain avait-il conquis depuis longtemps une place conséquente dans la presse juive allemande, qui suivait de près les événements de Fès, même si en général elle était largement tributaire des journaux français . Une exception notable fut l’éditorial du 26 avril que consacra à la question Die Welt, l’organe central du mouvement sioniste. On y trouve, sous la plume de Raphaël Landau (1870־ 1943), l’une des meilleures analyses de l’imbroglio marocain replacé dans son contexte historique . Dès les premières nouvelles du tritel, Die Welt s’inquiéta du sort des Juifs marocains livrés aux affres de l’anarchie dans laquelle le journal vit la conséquence même de la «jüdische Heimatlosigkeit» (le statut juif d’apatride). Les numéros suivants traduisirent le reportage de Hubert Jacques paru dans Le Matin, ainsi que toutes les lettres d’Amram Elmaleh.

La presse hébraïque d’Europe Centrale suivait les événements avec une certaine distance. Le quotidien Zefirah, édité à Varsovie par Nahum Sokolow, qui puisa ses informations dans l’agence Havas et dans les journaux allemands, se plaignit également de la censure française . Au fil des jours, il relaya les reportages de Weisgerber parus dans Le Matin et les informations provenant du Hilfsverein der dentsche Juden  avant que l’épisode de Fès ne cédât la place dans ses pages à la catastrophe du «Titanic» et surtout, au procès Beilis, géographiquement plus proche encore.

La presse yiddish en Europe Centrale, en particulier Der Fraind, quotidien yiddish de Varsovie, paraissait bien informée du contexte marocain. Ce dernier journal s’intéressa en premier lieu, comme toute la presse juive, au sort de ses coreligionnaires fassis et dénonça la tentative française de calmer les esprits et de masquer l’ampleur du massacre dont il estima, dans un premier temps, à 1 000 le nombre des victimes juives. 11 se livra ensuite à des réflexions critiques sur la politique coloniale de la France et son ingérence au Maroc, l’accusant d’être la cause indirecte de ce bain de sang . «Alors qu’elle devra rendre compte aux nations des victimes européennes, nul ne lui demandera des comptes pour le sang juif versé, car les Juifs sont des orphelins pour lesquels on n’a que de la pitié», déclara-t-il avant d’émettre ce jugement percutant: «Kichinev fut un jeu d’enfant par rapport au bain de sang survenu dans le quartier juif de Fès!».

Son homologue new-yorkais, le Forwerts, se contenta quant à lui, de transmettre les informations diffusées par les agences de presse qui ont grossi exagérément le nombre des morts avant de se désintéresser rapidement des événements marocains, au profit de la catastrophe du «Titanic». Il est tout de même digne d’intérêt que ce journal surnomme les émeutiers arabes de Fès

des pogromshchiks, associant du coup la tourmente de leurs coreligionnaires marocains au martyre du judaïsme achkénaze .

En définitive, alimentée par les journalistes de Paris et de Berlin, la presse juive en hébreu et en yiddish n’apporta rien de substantiellement neuf dans ses colonnes, si ce n’est le reflet d’un extraordinaire élan de solidarité juive.

                Enfin, en Italie les événements de Fès ne semblent pas avoir trouvé un écho important. La seule évocation que nous en ayons trouvée est un entrefilet de quelques lignes paru dans II Vessillo Israelítico 40 ( 1912), fase. IX (mal, 1912), p. 308.

Le Pogrome des Fes ou Tritel-1912-Paul B.Fenton-page 83-87

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