Meknes-Portrait d'une communaute juive marocaine- Joseph Toledano-Rabbi Raphael Berdugo (1747 -1822)- Fin mouvementee de regne
FIN MOUVEMENTEE DE REGNE
Les dernières années du règne de Moulay Slimane furent mouvementés, ponctuées de nouvelles rebellions des tribus berbères du Moyen Atlas.
En 1818, l'armée royale fut battue; son fils Moulay Brahim tué et le sultan fait prisonnier, mais il fut libéré au bout de quelques semaines. En 1820, une fausse rumeur annonçait la mort du sultan à Marrakech où il guerroyait contre un le ses frères entré en dissidence. Les Oudaya qui n'avaient pas pardonné aux juifs de les avoir délogés pour retrouver leur quartier, en profitèrent pour attaquer le mellah de Fès. A Meknès, on retrouve les mêmes scènes de panique comme le rapporte un témoin, rabbi David Messas "Dès l'annonce de cette nouvelle, le mellah devait rester fermé 40 jours – à l'égal des 40 punitions révues dans la Torah… "
aggravation globale de la situation économique devait se doubler d'une très grave atteinte aux finances de la communauté de Meknès privées par un lit du sultan de la plus grande partie de recettes traditionnelles – on ne sait trop pour quelle raison, les sources juives restant muettes à ce sujet – comme rapportait rabbi Raphaël Berdugo en 1821, une année avant son décès :
Dans l'ancien temps pour faire face au poids des impôts, les Premiers avaient institué une taxe sur les bouchers de 9 proutot par livre de viande, appelée en arabe siga que les bouchers reportaient sur le public. Du fruit de cette taxe, on payait les salaires des shohatim et des dayanim, rabbins -juges. Les bouchers fournissaient gratuitement la viande aux shohatim et aux dayanim en augmentant de 2 proutot le prix de la livre de viande. Et voilà que maintenant le sultan a annulé toutes les taxes, aussi bien sur la viande que sur l'eau de vie mahya, l'huile et tout autre produit…"
La détérioration de la situation économique était si désespérée que la communauté avait décidé d'appeler au secours les Juifs d'Algérie mieux lotis. Un des notables de la ville, rabbi David Attia, fit la tournée des communautés d'Alger, Oran, Tlemcen, Blida, Miliana et Mostaganem, porteur d'un poignant message 🙂
" Sa Majesté le sultan vient d'annuler toutes les taxes communautaires, les sources se sont asséchées, les mains se trouvent liées et les lumières éteintes, alors que le poids des impôts s'alourdit. Le nombre de riches a diminué et celui des malheureux a grandi; le manque de donateurs rencontre la multiplication des indigents. Tout le peuple demande du pain et il n'y en a point. Et si telle est la situation des gens aisés, que dire alors des talmidé hakhamim restés sans exagération sans aucune ressource. Toutes leurs sources de revenus se sont taries; toutes les portes se sont fermées et il n'y a presque plus d'élèves dans les bâté midrash. Ceux qui ont quitté les études à la recherche de travail, sans avoir la moindre expérience des affaires, n'ont rencontré qu'échec et désillusion; et les anges de la paix pleurent – est -cela là la Torah et sa récompense ? Est -ce là le sort des serviteurs de Dieu ? De plus, en ces temps de troubles bien connus, une vague de malheurs nous submerge et menace de nous noyer. Dehors l'épée tue, et à l'intérieur règne la terreur; il n'y a de paix ni pour celui qui part ni pour celui qui reste.
Chaque jour des rumeurs plus alarmantes les unes que les autres, circulent sur l'intention de nos méchants voisins de nous attaquer et de nous piller comme ils l'ont déjà fait contre d'autres communautés…Malheur à la génération qui doit faire face à de tels tourments, alors que la Torah est en voie d'oubli en Israël, et que presque toutes les yéchïbot ont été désertées…C'est pourquoi aiguillonnés par les pleurs des pauvres, nous vous avons dépêché un émissaire pour vous informer, vous nos frères, de nos tourments et de nos souffrances, afin que guidés par votre sens de la solidarité et de la justice; vous preniez pitié de notre dénuement…"
Signataires les rabbins Raphaël Berdugo, Mimoun Berdugo, Yossef Berdugo, Moshé Toby, Shélomo Tolédano, Shémouel Malka, Mordekhay Berdugo, Haïm Tolédano; Abraham Benharosh; Shélomo Maimran, Shélomo Ben- simhon, Abraham Berdugo, Eliezer Berdugo, Mordekhay Messas, Yéhouda Abensour, Yaacob Berdugo, Yossef Hacohen, Pinhas Hacohen, Mordekhay Elbaz, Shémouel Tolédano.
Dès son arrivée à sa première étape, Oran, les rabbins de la ville, Yéhouda Moatti, Farouz Karsenty, Yéhouda Darmon et Mordekhay Benichou, le munirent d'un message pour les autres communautés d'Algérie, leur recommandant de se montrer généreux avec lui à l'égal "des émissaires d'Eretz Israël, car c'est une bonne action équivalente au commandement de rachat de prisonniers. Que le riche donne plus, et que le faible dise je suis un héros. Il est du devoir de chacun de porter au secours de son frère et de renvoyer l'émissaire heureux et comblé…"
Deux ans plus tard, en 1822, quand la mort du sultan, épuisé par la lutte incessante contre les tribus, fut confirmée, le même témoin, rabbi David Messas ajoute que "les portes du mellah ont été fermées sur ordre des rabbins et tous les Juifs ont pris leurs biens et se sont réfugiés avec femmes et enfants chez leurs amis musulmans et il n'est resté en ville que très peu de personnes – que Dieu nous prenne en pitié et nous envoie son sauveur… "
Si cette fois la communauté de Meknès fut épargnée, il n'en fut pas de même de celle de Fès, payant le prix d'être redevenue la capitale officielle, le mellah de nouveau envahi et pillé par les irréductibles Oudaya.
Le souverain avait pris la précaution de désigner avant sa mort son successeur, le fils de son frère Moulay Hicham, Moulay Abderrahman, épargnant au moins au pays une nouvelle guerre de succession.
Meknes-Portrait d'une communaute juive marocaine- Joseph Toledano-Rabbi Raphael Berdugo (1747 -1822)- Fin mouvementee de regne
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