Memoires Marranes-Nathan Watchel- Resurgences marranes au Portugal

Memoires marranes

Résurgences marranes au Brésil

Des résurgences marranes apparaissent également au Brésil dans le courant du xxe siècle, mais plus tardivement qu’au Portugal. Elles se manifestent aussi bien à Sâo Paulo et Rio de Janeiro qu’à Recife, Natal ou Fortaleza, foyers entre lesquels certains individus, dans leurs parcours, assurent d’ailleurs un lien. Cependant, c’est surtout dans le Nordeste, plus préci­sément dans le polygone formé par le Pernambuco, la Paraiba, le Rio Grande do Norte et le Cearâ, que le mouvement de retour au judaïsme atteint l’ampleur d’un phénomène collectif.

En fait, qu’il s’agisse du Sud-Est ou du Nord-Est, les récits de ces marranes contemporains présentent bien des ana­logies. Chaque itinéraire est évidemment singulier, unique, et néanmoins, à travers la diversité des cas, des thèmes récur­rents se font écho d’un témoignage à l’autre. Leurs auteurs sont généralement originaires d’un milieu rural, nés dans des familles organisées selon un modèle patriarcal et pratiquant un système d’alliances endogame. Or ces familles se signalent par l’observation de coutumes distinctes (telles que la prohibition du porc, la bougie du vendredi soir, des rites funéraires par­ticuliers, etc.), dont elles ne savent pas toujours clairement l’origine. C’est souvent au contact du monde extérieur, lorsque pour des raisons diverses certains de leurs membres arrivent dans la grande ville, qu’ils sont amenés à s’interroger: ils découvrent alors, avec stupeur, que les traditions familiales transmises de génération en génération, qu’ils croyaient plei­nement chrétiennes, en réalité ne le sont pas. Ils prennent dès lors conscience que ces coutumes ne peuvent s’expliquer que comme un héritage juif, ou plutôt judaïsant. Au terme d’une quête qui peut être longue et difficile, ces personnes décident finalement (ou non, selon leur foi) de mettre leur identité reli­gieuse en accord avec leurs racines.

Considérons tout d’abord quelques cas qui se situent dans la région du Sud-Est, à Rio de Janeiro ou Sao Paulo : il s’agit généralement d’individus isolés pendant la plus grande partie de leur parcours. Certains d’entre eux s’efforcent cependant, au tournant des années 1980-1990, d’établir les premières bases d’un réseau d’échanges et d’informations, avec pour ambition d’embrasser l’immense territoire brésilien.

Francisco Correa Neto, professeur à l’université de Niteroi, est né en 1932 à Itaperuna, à l’intérieur de l’Etat de Rio de Janeiro. Il raconte que son père, lecteur assidu de la Bible, consommait du pain azyme au moment de la Pâque et prati­quait en septembre un jeûne complet de vingt-quatre heures (qu’il désignait comme le «jeûne de l’octave»). Francisco Correa Neto confie aussi que, adolescent, il « ressentait un vide religieux qui exigeait d’être comblé, mais ni l’Église catholique ni les Églises protestantes ne pouvaient le faire». A l’âge de vingt ans, en 1952, il trouva à la bibliothèque publique de Niteroi un livre sur l’histoire du peuple juif, du rabbin Isaias Rafalovitch: «Ce fut mon initiation. En 1956, j’étais déjà décidé à redevenir juif, sans aucun contact avec quiconque, et en sachant encore moins comment4. » Quelques années plus tard, il rencontra le rabbin Henrique (Heinrich) Lemle, établi au Brésil après avoir fui le nazisme ; celui-ci avait organisé à Rio de Janeiro une communauté composée de Juifs européens, principalement allemands, et animait à la radio une émission religieuse très écoutée (nous le retrouverons aussi plus loin). Francisco Corrêa Neto put ainsi s’intégrer pleinement dans les milieux juifs de Rio de Janeiro ; sa conversion en bonne et due forme fut prononcée, en 1976, par le rabbin orthodoxe Abraham Anidjar, de l’Union Israélite Shel Gemilut Hassadim. Par la suite, il publia en 1987 un livre, Os Judeus. Povo ou religiâo ?, et, outre ses activités professionnelles, se consacra à entretenir une abondante correspondance avec des descen­dants de nouveaux-chrétiens disposés à effectuer, eux aussi, leur retour au judaïsme.

Cette première mise en relations fut relayée par la fon­dation à Sâo Paulo, à l’initiative du journaliste Helio Daniel Cordeiro, de la Société hébraïque pour l’étude du marranisme (SHEMA), une association culturelle qui se proposait de « sauver les valeurs historiques et religieuses des descen­dants de nouveaux-chrétiens qui, avec l’Inquisition, perdirent le contact avec leurs origines48». Cette société prenait elle- même la suite d’un petit groupe d’études religieuses qui se réu­nissait autour de Francisco Assis de Oliveira, connu comme Yacov, un jeune homme originaire du lointain Mato Grosso, qui passait tout son temps à prier avec ferveur à la synagogue du Beit Chabad de Sâo Paulo, et dont émanait un vrai cha­risme ; mais il ne tarda pas à effectuer son alyah pour Israël. –

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