Histoire du Maroc -M.Terrasse
- LE RÉCIT DE SCYLAX
Le récit de Scylax, taxé de faux, n'est pourtant pas moins vraisemblable que le périple de Hannon ; qu'on en juge :
« De Carthage aux Colonnes d'Hercule, dans d'excellentes conditions de navigation, on compte sept jours et sept nuits… »
« La traversée, le long de la côte, des Colonnes d'Hercule au cap d'Hermès, dure deux jours. Du cap d'Hermès au cap Soloeis, elle en dure trois; du cap Soloeis à Cerné elle dure sept jours. Toute cette traversée des colonnes d'Hercule à Cerné est donc de douze jours. Pour ce qui est au delà de Cerné, on ne peut y parvenir à cause des bas fonds, de la vase et des algues. Ces algues sont larges d'une palme, pointues par en haut et piquantes. Les commerçants sont phéniciens; quand ils arrivent à Cerné, ils amarrent leurs vaisseaux ronds et dressent des tentes dans l'île. Ils déchargent leur cargaison et la transportent à terre dans de petites embarcations. Il y a là des Éthiopiens avec qui ils font des échanges. Ils échangent leurs marchandises contre des peaux de cerfs, de lions et de léopards, contre des peaux ou des défenses d'éléphants, contre des peaux d'animaux domestiques. Les Éthiopiens se parent de tatouages et boivent dans des coupes d'ivoire. Leurs femmes se parent de colliers d'ivoire… Ces Éthiopiens sont les hommes les plus grands que nous connaissions; leur taille dépasse quatre coudées; certains même atteignent cinq coudées. Ils portent la barbe et ont de beaux cheveux… Ils sont bons cavaliers, lancent le javelot, et sont bons archers. Ils se servent aussi de traits durcis au feu. Les commerçants phéniciens leur apportent de l'onguent, de la pierre d'Égypte, des poteries attiques, des congés (grands récipients). On vend ces poteries à la fête des congés. Ces Éthiopiens mangent de la viande et boivent du lait, ils font beaucoup de vin de leurs vignes que les Phéniciens exportent. Ils ont aussi une grande ville où vont les vaisseaux des marchands phéniciens. Certains prétendent que ces Éthiopiens s'étendent de là jusqu'en Égypte sans interruption, que cette mer est continue et que la Libye est une péninsule. »
- LE COMMERCE MUET DE L'OR
Les Carthaginois racontent encore ceci : il y a en Libye, au delà des Colonnes d'Hercule un pays qu'habitent des hommes. Lorsque les Carthaginois arrivent chez ces peuplades, ils déchargent leurs marchandises, les rangent le long du rivage, puis remontent à bord et allument des feux pour faire voir la fumée. Lorsque les indigènes voient la fumée, ils viennent sur le bord de la mer, placent de l'or vis à vis des marchandises et s'éloignent. Les Carthaginois débarquent alors et vont se rendre compte : si l'or leur semble égal au prix des marchandises, ils le prennent et s'en vont, sinon ils remontent à bord et attendent. Alors les indigènes reviennent et ajoutent de l'or à celui qu'ils ont mis jusqu'à ce qu'ils soient d'accord. Ni les uns ni les autres ne sont malhonnêtes : les Carthaginois ne touchent pas à l'or tant qu'il ne leur paraît pas payer leurs marchandises et les indigènes ne touchent pas aux marchandises avant que les Carthaginois n'aient pris l'or.