Extrait de journal de famille-Nessim Sibony-brit 35-Redacteur Asher –Knafo-

ברית 35

Nous n’avons pas de portrait de Messod Azoulay, par contre nous en avons un de sa femme Esther. D’Abraham Sibony nous en avons deux, mais aucun de sa première femme, Esther qui était blonde aux yeux bleus. Contrairement à Messod Azoulay qui était grand et fort d’après maints témoignages, Abraham Sibony semble avoir été menu comme certains Juifs d’Europe et avait l’œil et le teint clairs. Seuls deux de ses enfants et une de ses petites filles ont eu des yeux bleus : Dona, Moïse et sa fille Coty. Il avait épousé en premières noces Esther, tante de sa mère qu’il aima toute sa vie. Il se remaria longtemps après, par suite d’absence d’enfant viable dans le couple, sans pour autant répudier sa première femme "Lala Esther" comme l’appelait la génération de mes parents. Ma tante qui l’avait connue, puisque c’était mon grand-père qui s’occupait de son foyer dans le cadre de ses fonctions commerciales chez son oncle Avraham, m’a répété et écrit qu’elle était blonde aux yeux bleus. Il s’est rendu à Jérusalem pour ramener une très jeune épouse du nom de Rika de la famille Aboulafia de Tibériade.

C’est avec Rika qu’il eut neuf enfants qui se sont distingués par leurs études effectuées pour la plupart à Gibraltar. Célèbres pour leur conduite de petits seigneurs, ils se lancèrent à leur tour dans le commerce. C’est par un curieux hasard que j’ai obtenu de Monsieur Abraham Knafo de Mogador un carnet sur lequel Moses Sibony s’était appliqué à rédiger en judéo-arabe son savoir astrologique, écrit en caractères hébraïques, son dictionnaire Espagnol et quelques anecdotes et notes commerciales, en plus de devinettes et de chansons espagnoles. On y retrouve aussi le trajet et les escales réalisés par les enfants, en route vers leur école à Gibraltar, en partant de Safi. Cet ouvrage a relancé la discussion sur la famille de "l’oncle Braham" et je me souviens que ma mère avait rappelé alors le retour de Meyer Sibony, fils d’Abraham quand il avait fini ses études à Gibraltar. Une caravane était partie à sa rencontre avec ses provisions, ses gardes et ses montures, dirigée par Abraham Sibony allant à la rencontre de son fils qui arrivait de Mogador par une autre caravane. Les deux caravanes campèrent ensemble avant de revenir à Safi où ils étaient attendus par tous les notables juifs. Meyer semble avoir été l’intellectuel de la famille. 11 avait épousé sa petite cousine Esther, fille d’Aharon qui était la cousine germaine de mon père, ce qui explique la relation particulière que mon père avait avec ce couple contrairement aux autres enfants de Rebbi Braham. 11 existait un seul piano dans la communauté juive de Safi et c’était celui de sa fille Féby, décédée en l’an 2000, à Casablanca, à l’âge de 95 ans. Elle était donc née en 1905. On possède d’elle deux photos remarquables qui me furent offertes par Françoise Sibony, sa nièce et petite fille de Meyer et Esther Sibony. J’ai eu le grand plaisir de connaître Féby et je fus marqué par sa beauté et son élégance.

Grand marchand et exportateur d’œufs à Marrakech, Meyer passait son temps à lire et à prendre des notes, (sa bibliothèque était inestimable) ce qui obligea mon grand-père maternel à lui donner un sérieux coup de main, quand il commença à travailler avec lui à Marrakech. Samuel Sibony son frère, appelé Baba, vint aussi s’installer à Marrakech où il pratiqua le commerce du thé en gros. Mon oncle Simon, frère de mon père, put ainsi réaliser chez lui une carrière enviable. Messody, fille d’Abraham, épousa Salomon Benzaquen de Gibraltar qui parlait anglais et avait le droit de porter des armes dont un revolver qui avait impressionné mon cousin germain Meir Zaoui. Ma tante et ma grand-mère paternelle furent leurs hôtes pendant une année à Safi, me confirma mon cousin.

Il semble bien que la fin de la Première Guerre Mondiale ait transformé toute la fortune de l’oncle Abraham en "petits morceaux de papier" comme les vieux informateurs ont appelé les actions que la famille détenait dans la bourse européenne. Pourtant la photo de mariage du plus jeune des enfants, à savoir Jacques, démontre que deux années après le début de la grande crise, toute la famille, photographiée à cette occasion, avait des vêtements européens de grand style. De patrons, ils étaient devenus dès 1920 directeurs de banques ou de sociétés commerciales installées à Casablanca, devenue la capitale économique sous le Protectorat Français. Jacques était resté à Safi, implanté dans le commerce de son père. Simon était dans l’hôtellerie, notamment à Meknès puis à Fez où il épousa Alice Elquarat, en premières noces, puis Marie Monsano après la mort de sa première femme. Salomon avait ouvert des restaurants à Montécarlo et Moïse avait une ferme à Mazagan. Quand j’étais petit, mon père m’avait pris avec lui, à Safi et nous avions été reçus par Esther Sibony, veuve de Meyer, dans la maison qui avait été celle de l’oncle Abraham à Abiyada, un des quartiers résidentiels de cette ville.

C’était un logement avec de vastes salles et un jardin intérieur décoré de mosaïques. Mon père avait tenu à me montrer le salon où tous les enfants de Rebbi Braham Sibony réalisaient une fois par an cette "fantasia" qui consistait à se déguiser en notables arabes avec le décor et la nourriture appropriée et surtout le cérémoniel qui durait une journée entière. Esther avait évoqué son séjour chez nous avec sa belle-mère Rika, et j’appris plus tard que ce fut une page mélodramatique : une romance entre Samuel et sa fiancée qui se termina par un joyeux mariage. Elles voulaient par la même occasion, lors de ce voyage, demander la main de la fille de Rabbi Habib pour Salomon.

Dans l’album de famille que nous avons réussi à confectionner grâce à tous les membres de la famille Sibony d’Israël et de France, nous sommes parvenus à rassembler deux photos d’Abraham Sibony, une d’un de ses fils Samuel, mort à Casablanca, celle de Meyer mort à Safi en 1945, et celle d’Elias ainsi que quelques photos de Jacques (1907-1990). Dans la photo de mariage de Jacques avec Assiba Merran, on retrouve Messody, fille d’Abraham qui s’était mariée à Salomon Benzaken et Rika Sibony, veuve d’Abraham.

De Yaacov, frère d’Abraham, décédé en 1906 nous n’avons aucune photo, ni de lui, ni de ses enfants. Par contre, nous en avons trois de ses petits- enfants, issus du mariage d’Aharon Sibony et de Dada Lévy, à savoir Nissim, Moshé et Esther, elle-même mariée à Meyer Sibony, fils d’Abraham avec leurs deux enfants, Léon et Féby. Des petits enfants de Yaacov, issus du mariage de Nissim Sibony, mon grand-père paternel avec Pnina Weizman, nous avons des photos de mon père, Elie Sibony et de mes tantes, Hana Ohana et Reine Zaoui. Rebbi Braham fut un homme légendaire, avec une auréole de patriarche. Il aurait vécu 98 ans, de 1821 à 1919. Il se remaria à 60 ans avec une jeune fille de la maison Aboulafiya qui n’était âgée que de 15 ans. Il aurait eu 9 enfants dont deux filles. Le fils aîné naquit en 1883 et le dernier en 1911 alors que son père était âgé de 90 ans.

Messod Azoulay est tout aussi célèbre qu’Abraham Sibony. Ils vécurent à la même époque et selon les légendes folkloriques des Juifs de Marrakech, c’était un bel homme de grande taille, et clair de peau. Il était renommé pour ses blagues, mais surtout pour son soutien envers les personnes qui connaissaient des revers de fortune, notamment les Juifs de Marrakech ou du Sud, emprisonnés pour des dettes ou à la suite de faux témoignages. Sa petite fille, Marie Bendavid m’a dit qu’il en avait les moyens.

Il avait organisé la vie de sa famille, autour de lui. Chaque enfant marié avait son appartement, et tous vivaient dans la même grande maison, avec du personnel pour la confection des repas et les soins pour les enfants. Chacun avait sa cuisine, mais les achats des produits alimentaires étaient centralisés et exécutés par les coursiers du patriarche, Messod Azoulay qui les déposaient au centre de la maison. Il recevait des plateaux de gâteaux et de thé dans son dépôt, et il passait son temps à blaguer avec les notables juifs, ses amis. Dans la série d’histoires recueillies, il semble qu’il exploitait la naïveté d’un homme charmant et érudit qui avait peu de sens pratique et qui s’en remettait toujours à lui pour le conseiller. Messod Azoulay et sa famille ont habité ensemble différentes maisons au Mellah de Marrakech.

Son siège commercial, occupé plus tard par son fils Simon qui y logeait au premier étage (voir photo de l’immeuble 70 ans après), un autre immeuble se trouvait à l’entrée de la rue des Ecoles à gauche et un troisième dans la rue Latana où il transforma un appartement de l’étage supérieur en synagogue : "Slat S^ido", en activité jusqu’à son incendie, l’immeuble ayant été occupé par des musulmans en 1970. Nous avons tous prié dans cette synagogue et nos places étaient situées face à la Bima, sous laquelle s’asseyait Rabbi Ezer Oizana qui portait toujours une livrée blanche. Il possédait des livres de prière rares, nacrés avec un fermoir doré. A côté de lui s’asseyait à l’occasion, Rabbi La^ziz Ellouk. J’ai reproduit notre synagogue dans mon tableau "L’ascension". A sa mort, le patriarche Messod Azoulay laissa à ses enfants une douzaine de magasins, des appartements, un moulin, deux fours, de l’or, de l’argent et de la marchandise.

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