Juifs du Maroc a travers le monde- R.Assaraf

De plus, alors qu'en Europe les pays de départ des navires – la France et l'Italie – non seulement ne mettaient aucun obstacle mais étaient complices, en Afrique du Nord, on savait que les autorités feraient tout pour entraver les départs.

En 1947, l'Agence juive décida de frapper un grand coup en mettant sur pied une filière de départs commune à tout le Maghreb. Nommé commandant de la Haganah pour l'Afrique du Nord, Ephraïm Ben-Haïm Friedman arriva à Alger en janvier 1947 sous la couverture officielle d'émissaires du Keren Kayemeth Leisrael. Son premier geste fut d'organiser le premier séminaire d'entraînement de la Haganah avec la participation des membres de mouvements de jeunesse pionnière de Tunisie, d'Algérie et du Maroc. Le Maroc était représenté par deux jeunes éducateurs de l'association Charles-Netter de Casablanca, Sam Abitbol, responsable de la Kvoutsat Ben Yéhouda, et Élie Ohayon, secrétaire de la Fédération sioniste marocaine.

Dans la tradition « activiste » de son parti, le kibboutz Hameouhad, l'émissaire palestinien imposa – plus pour des raisons idéologiques et psychologiques que pour des motifs pratiques – que l’embarquement se fasse directement à partir des côtes nord-africaines elles-mêmes et non par la filière française, comme cela s'était fait jusque-là, à très petite échelle.

Avec le soutien de militants et sympathisants locaux, un camp de transit fut installé à quelque 200 kilomètres à l'est d'Alger, près de Tenès, sous la couverture d'une colonie de vacances Repos et Santé. Revenus au Maroc, Sam Abitbol et Élie Ohayon, relayés par la rumeur publique, propagèrent dans tous les mellahs du Maroc la nouvelle de l'ouver­ture de la route pour Eretz Israël. Après Pessah, en avril 1947, ils commencèrent à faire traverser clandestinement la frontière algérienne, à la hauteur d'Oujda, aux premiers groupes venus de tout le pays.

Arrivés à Alger, les candidats à l'immigration étaient pris en charge et dirigés vers le camp où ils ne devaient rester que quelques jours, mais où leur séjour dura en fait près de six semaines. La rencontre entre les immigrants marocains et les responsables sionistes français ne fut pas des plus harmonieuses. Envoyé de métropole pour diriger le camp de Tenès, Raphaël Hamel ne cachait pas sa colère :

Nous nous sommes rapidement rendu compte de la très faible proportion de membres du mouvement et du potentiel productif. Le nombre de membres des mouvements de jeunesse oscillait entre 20 et 25 ; et celui des artisans et ouvriers, autour de 60. Tout le reste, 250-300 personnes, appartenait aux basses classes sociales ; c'étaient des oisifs vivant du marché noir, tentés par la délinquance et attirés par l'idéologie de l'Irgoun.

Le départ se solda par un semi-échec. La crique choisie initialement pour l’embar­quement était trop dangereuse. Le nouveau site retenu, avait un inconvénient majeur : l'impossibilité pour le bateau panaméen Anal, rebaptisé Yehouda Halévy, d'arriver près de la côte ; et la nécessité de transporter les olim en barque jusqu'au bateau. Il fallut pour cela louer les services de contrebandiers professionnels – au grand dam des notables de la communauté juive d'Alger, qui n'appréciaient guère de telles fréquentations ! Ce n'est que dans la nuit 10 mai 1947 que le Yehonda Halévy jeta l'ancre près de Tenès. Bâtiment de 250 tonneaux, il avait été aménagé pour accueillir 600 passagers. Malgré l'interception par la gendarmerie, sans doute alertée par les allées et venues de 200 immigrants, les 460 autres réussirent à embarquer à bord du bateau qui prit rapidement le large vers la Palestine.

Des familles se trouvèrent ainsi divisées, une partie en route pour Israël, une autre contrainte de revenir au Maroc. Ce fut le cas de Shaul Bensimhon, qui revint à Fès pour tenter de canaliser le flot des candidats au départ.

Repéré au large d'Alexandrie par la Royal Navy, le Yehouda Halévy fut dirigé sur Chypre, dès son entrée dans les eaux territoriales palestiniennes, et escorté vers le port de Haïfa, où son arrivée fit sensation. Pour la première fois, il s'agissait d'immigrants clandestins venus non d'Europe, mais d'Afrique du Nord. Comme l'écrivait l'un des orga­nisateurs de cette opération, Ephraïm Ben-Haïm Friedman :

La presse hébraïque signalait que pour la première fois il ne s'agissait pas de rescapés des camps de la mort d'Europe ou de réfugiés de Sibérie, mais de nos frères orientaux vivant en paix depuis des siècles à l'ombre de l'islam en Afrique du Nord (Hatsofé). Le journal de la Histadrout, Davar, écrivait que ce bateau était la preuve qu'il était erroné d'identifier la question juive aux seuls juifs d'Europe : « Sion, ne demandes-tu pas des nouvelles de tes prisonniers ? » a écrit le poète dont le bâtiment porte le nom. Il n 'y a pas de prisonniers de Sion uniquement en Europe.

Débarqués de force à Haïfa le 31 mai, après une éprouvante traversée de vingt et un jours, les immigrants furent aussitôt expulsés vers l'île de Chypre, où les Anglais, débordés, concentraient dans des camps, depuis l'été 1946, les milliers de passagers clandestins interceptés par la Royal Navy.

Les passagers du second bateau, le Shivat Sion, connurent le même sort. Parti de la côte algérienne le 16 juin 1947, avec 411 passagers clandestins dont 120 enfants et bébés, il fut repéré au large du cap Bon en Tunisie, et escorté de destroyers anglais. Les passagers et leurs accompagnateurs du Mossad s'étaient préparés à se battre, s'ils étaient refoulés vers l'Europe comme les 4 500 passagers clandestins de l'Exodus. Mais, sans doute effrayés par la réaction hostile de l'opinion mondiale, les Anglais dirigèrent en fin de compte les passagers du Shivat Sion vers les camps de Chypre.

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