Juifs ou Berbères judaïsés du Tafîlalet au Sud-Est marocain-Brit 31

Les métiers des juifs dan la region

En raison de leur situation, ces Juifs "politiquement neutres" ou exclus, sont restés indépendants dans l'histoire de la région, ils ont toujours sauvegardé leur autonomie, mais souvent sous la protection d'un clan ou d'une tribu, en tirant profit des conflits opposant ces groupes protecteurs. A ce titre, ils étaient même devenus des agents sûrs pour le pouvoir central qui n'hésitait pas à leur confier les affaires commerciales (Toujjar as Sultan) c'est-à-dire les commerçants du Sultan, leur activité essentielle était avant tout le commerce. Suivant G. Ayache "au Maghreb al'Aqsa jusqu’au 19eme siècle, la frappe de la monnaie pour le compte de l’état était leur apanage."

Ainsi pour répondre aux exigences du commerce local, plusieurs colonies se sont formées (comme nous l'avons remarqué) dans les ksours importants du Tafilalet, ou des légendes leur attribuent l'introduction de plusieurs techniques. Certains secteurs leur étaient presque réservés : le travail des métaux et, en particulier, celui de l'or et de l'argent, mais également d'autres artisanats tels que (la cordonnerie, orfèvrerie…) René Caillié a remarqué à propos des Juifs du Tafilalet : " … les uns sont forgerons. Ils prêtent leur argent à intérêt aux marchands qui font le commerce du Soudan, et n’y vont jamais eux-mêmes." Par contre Ch. Monteil, affirme d'après les révélations d'un juif nommé Mardochée l'existence, au Sahara, de Juifs blancs, qu'il nomme Doggatoum. Ce sont, dit-il, des pasteurs que l’on rencontre depuis le Tafilalet jusqu'aux environs de Timbuctou. Ils vivent sous la protection des Touaregs. Beaucoup d'entre eux étaient aussi colporteurs, approvisionnant les ksours et les souks au cours de longues tournées.

Dans un monde de 'Siba', caractérisé par les guerres et l'insécurité, les Juifs semblent les seuls à entretenir les relations avec tous les ksours de la région, certains d'entre eux se sont consacrés aussi à l'agriculture. Dans les ksours de "Farkla", il y avait des paysans juifs cultivateurs.

Leurs conditions de vie dans la région.

Compte tenu des conditions de vie dans le Bled Siba, décrites par divers voyageurs leur distribution géographique des groupes juifs ne semble guère avoir changé du 16eme (Léon l'Africain) au I9eme siècle (Ch. De Foucauld – René Caillié).

Contrairement à certains Juifs de Fès et des grandes villes qui parviennent à se glisser jusqu'au proche entourage des souverains et des gouverneurs, (la plupart de ces derniers, étant en relation avec les ports méditerranéens et en relation directe avec les européens et grands commerçants), les juifs de Tafilalet comme leurs frères ruraux ne bénéficient que de la liberté religieuse qui leur est reconnue malgré quelques intermèdes douloureux, mais ils demeurent victimes d'une série de mesures infamantes: regroupés dans les Mellahs, vivant dans des communautés repliées sur elles mêmes, bien structurées, les Juifs étaient soumis à des obligations vestimentaires (djellaba sombre, zabadour) peu différent d'ailleurs de l'habillement des musulmans.

Ils n'avaient pas le droit de porter des armes ou d'enfourcher une monture. Ils sont tenus de se déchausser dans les ksours musulmans et en particulier au voisinage des Mosquées. René Caillié raconte que "les Juifs au Tafilalet sont très sales, et ne vont que pieds nus, peut-être pour éviter l'inconvénient d'ôter trop souvent leurs sandales, en passant devant une mosquée ou devant la porte d'un chérif obligation qui leur est imposée…"74 II ajoute qu'ils habitent les mêmes ksours que les musulmans, et qu'ils y sont très malheureux, souvent insultés ״Ces fanatiques vont jusqu'à les frapper indignement et leur lançant des pierres comme à des chiens…"

Gautier de son coté dit que "les Juifs de bled Siba ne sont pas une population humiliée, refoulée comme dans les grandes villes du bled Mekhzen. Ce sont des berbères comme les autres. D'après Ibn Khaldoun, c'est-à-dire au 14 eme siècle, les Fazaz était encore une grande tribu juive, le nom des Fazaz survit aux sources de l'Oum er- Rebia (dans l'Atlas״). Dans un des ksours de Midelt (sur la route de Fès) dans la Haute Moulouiya, ״on voit des paysans juifs cultiver leurs champs et vivre pêle-mêle en communauté municipale avec les autres paysans du ksar;" Il ajoute qu'à Damnat "les Juifs venaient au souk le fusil sur l'épaule."

Il ne faut pas croire René Caillié qui parle à propos des Juifs du Tafilalet d’une façon dramatique en généralisant tous les Juifs de la région, certains Juifs de Ferkla et d'Alqualaa par exemple, ne vivaient pas dans une telle misère, indépendants dans leur ksours mais sous la protection des tribus. Gautier non plus, car la vie que connaissaient les Juifs à l'intérieur du pays était vraiment très éloignée de cette description.

Les Juifs dont la plupart étaient commerçants dans un monde d'anarchie échappé au pouvoir central, n'avaient aucun soutien en dehors de leur protecteur, généralement une tribu ou une fraction soit Arabe ou Berbère (après le 17eme siècle les tribus berbères).

Tout le monde avait internet à les protéger pour assurer le reste du commerce au Tafilalet. Malgré les humiliations qu'ils subissaient, on ne connait aucune mention de massacre dans cette région depuis 1492 AJC, alors qu'à Meknès seulement, on a compté à quatre reprises au moins au 18ème siècle, le mellah des Juifs fut mis à feu et à sang chaque fois. Parmi tout ce qui peut aider à éclaircir cette question nous possédons un manuscrit " qui nous montre comment les Juifs ont été protégés par les notables et les tribus pour assurer la continuité du commerce local.

Traduction du document :

"Louange à Dieu seul. Pour Mouha Uquassou et son fils Alhadj, salut à vous. De la part de Bahnin de Zrigat. Nous voulons vous dire qu'il n'y a pas de différences entre nous, c'est les Juifs qui ont triché vos fils Ait Moussa, ils sont faibles et n'ont pas de soutien. Soyez indulgents avec eux. Nous vous le demandons avec toute notre amitié, nos relations de Tad a, nos parentés, qu'il y a entre nous. Dieu est témoin. Soyez patients, les jours ne sont éternels pour personne. Salut".

  1. Tada ou Tafrgant : ce terme chez les populations orasiennes désigne un pacte d'affrètement. Pour plus de détails voir Mezzine, "Contribution" op, cit; vol 2 p.463. Note 24 (le mot affrèrement utilisé ici est une traduction de l'Arabe : al oukhoua en Arabe (frère).

Aucune indication ne permet d'en dater l'établissement qu'on peut cependant situer plutôt à la fin du 17 eme siècle. Cette lettre remonte évidemment à la période de Siba. Il s'ensuit qu'on ne possède aucun moyen pour préciser la date de ce document et de sa rédaction : en revanche, son auteur a été identifié, il s'agit d'un notable du ksar Zrigat, l'un des ksours protégés par la confédération des Ait Atta. On peut donc considérer cette brève missive comme ayant été rédigée en une période de désordre, envoyée à un membre de la tribu des Ait Ounebgui des Ait Atta en le suppliant de ne pas faire de mal aux Juifs, sachant que ces derniers étaient membres de son ksar (le seul d'ailleurs de la vallée moyenne du Ziz où l'on trouve une forte population juive). Il fallait bien les protéger pour le bien et le profit de son ksar. Les Juifs du Tafilalet dont la plupart étaient commerçants, ont été protégés par les tribus dans un monde de Siba: ils pouvaient ainsi maintenir la continuité de leur activité commerciale.

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