ארכיון יומי: 22 בדצמבר 2019


Benmoussa-Benmsiba-Ben Nahman-Ben Nathan

BENMOUSSA

Nom patronymique arabo-hébraïque, le fils de Moïse, porté aussi bien chez les Juifs que chez les Musulmans, formé de l'indice de filaition Ben et de la forme arabe du prénom d'homme biblique, Moché, qui signifie en hébreu retiré de l'eau pour rappeler le miracle de l'enfant abandonné par sa mère Miriam sur le Nil et recueilli par la fille du Pharaon. Moussa est en fait un vieux nom d'homme égyptien, formé selon les ethymologistes de mo (eau) usha (sauvé). . Le nom est attesté en Epagne au XlVème siècle et au Maroc au XVIème, figurant sur la liste Tolédano des patronymes usuels au Maroc à cette époque. Au XXème siècle, nom peu répandu porté au Maroc (Tétouan, Tanger, Marrakech); en Tunisie (Tunis) et en Algérie (Constantine).

  1. HAYIM: Célébré rabbin et médecin né à Béja, près de Salamanque en 1390 et mort en 1460. Auteur d'un ouvrage très connu faisant l'apologie du judaïsme face aux attaques de l'Eglise.
  2. ABRAHAM: Fils de rabbi Shélomo. Un des plus célébrés rabbins et kabbalistes du Maroc au XVIIIème siècle à la vie pleine d'aventures. Né à Tétouan, il fut un des disciples de rabbi Ménahem Attia. Sa réputation de kabbaliste était grande dans sa ville et on raconte qu'un jour un chrétien voulut le mettre à l'épreuve en lui demandant de lui dire à quoi ressemblait le Dieu que les Juifs adoraient. En bon Juif, il lui répondit par une autre question: peux-tu m'expliquer d'abord comment tu vois avec tes yeux et comment tu entends avec tes oreilles ? Quand il s'avoua dans l'incapacité de répondre avec exactitude, il s'attira cette réplique: si même tu ne sais pas comment fonctionnent tes propres organes, comment prétends-tu vouloir comprendre l'essence de ce qui dépasse tous les hommes ? Il devait quitter sa ville natale en 1707 et après quelques années à Salé, il dût quitter précipitamment le Maroc pour trouver refuge à Tunis. Comme la légende s'est emparée de sa biographie il est difficile de savoir les raisons exactes de son départ précipité en 1720. Une des versions raconte qu'il fut contraint de le faire pour échapper à la vengeance d'un chef de tribu qu'il avait maudit pour l'assassinat d'un colporteur juif sur son territoire. La terrible malédiction avait commencé à décimer les membres de sa tribu et quand leur chef arriva à Salé pour le tuer, rabbi Abraham averti à temps, put s'enfuir. Une autre légende affirme que l'objet de sa malédiction avait été l'épouse d'un haut personnage qui ne cessait d'insulter et de maudire les enfants d'Israël. Il lui avait souhaité que de même qu'elle ne pouvait supporter   jusqu'à   l'odeur des enfants

d'Israël, de même elle ne puisse plus trouver aucun goût à la nourriture. Et elle cessa effectivement de manger, au point de mettre sa vie en danger. Comme les médecins ne trouvaient point de remède, on fit appel au rabbin qui accepta de la guérir à condition qu'elle lui promette de ne plus maudire les Juifs. Après sa guérison miraculeuse, craignant la vengeance de son puissant époux, il préféra prendre les devants pour partir en direction de la Terre Sainte. Le prodige qui marqua son arrivée à Tunis le fit considérer comme un saint homme. La tradition rapporte qu'arrivé dans la ville sans ressources, il fut logé dans la maison d'accueil de la communauté pour les rabbins et indigents de passage. Sur le conseil d'un passant, il se rendit à une noce dans une des familles les plus riches où on lui avait garanti qu'il pourrait manger à sa faim. Le père de la mariée, offusqué de le voir s'asseoir à la table d'honneur, lui si mal vêtu au milieu de ses hôtes distingués, le fit déguerpir sans ménagements. La même nuit le notable perdit soudainement la vue, sans que les médecins puissent comprendre l'origine de ce mystérieux mal. Il comprit alors que c'était l’affront à ce rabbin inconnu qui en était la cause et il alla s'excuser et le supplier de le guérir. Rabbi Abraham accepta de le faire sur l'engagement que plus jamais il n'humilierait aucun de ses semblables, en particulier les plus pauvres. Ce miracle révéla à la communauté la grandeur de l'homme qui était son hôte et elle refusa de le laisser continuer sa route. Il y resta 13 ans jusqu'à sa mort en 1733. Après sa mort, sa tombe devint un lieu de pèlerinage qui resta populaire jusqu'à nos jours. La légende rapporte que lorsque les Français voulurent faire passer une ligne de chemin de fer sur sa tombe, les ouvriers qui y travaillaient furent décimés et implorèrent son pardon. Sa tombe bougea alors d’elle- même et les Français construisirent autour un enclos. Poète doué, une des ses oeuvres est entrée dans la liturgie des synagogues marocaines, le chant "Nerdi natan rého" récité les joins de fêtes en sortant de l'Arche les Rouleaux de la Loi. Il a laissé des corrections aux livres de kabbale de rabbi Itshak Lourié, ainsi que des commen­taires sur la Hagada de Pessah et le Talmud, encore manuscrits. Quelques uns de ses commentaires ont été repris dans le livre de rabbi Yaacob Fitoussi de Tunis. "Yaguel Yaacob".

  1. MOCHE: Fils de rabbi Abraham. Célèbre rabbin kabbaliste qui monta à Safed, contemporain de rabbi Yehouda Ayache d'Alger. Il fut émissaire de Safed à Alexandrie pendant deux ans et s'installa ensuite à Jérusalem ou il devait mourir.
  2. ABRAHAM: Rabbin-juge et kabbaliste à Marrakech, contemporain de rabbi Abraham Azoulay avec lequel il eut des discussions sur la Kabbale. Quelques uns de ses commentaires et écrits mystiques ont été reproduits dans le livre de rabbi Shalom Bouzaglo, "Mikdach Mélekh", sur le Zohar. Il a laissé de nombreuses oeuvres encore manuscrites citées par rabbi Yaacob Tolédano dans son histoire des Juifs au Maroc, "Ner Hamarab".

SANY: Médecin né à Tunis en 1894. Il se porta volontaire pour se battre dans l'armée française pour la durée de la Première Guerre mondiale. Croix de Guerre, il fut le fondateur et le président de l'association des Engagés Volontaires Israélites de Tunisie.

PAUL:  Fils d'Achile Benmoussa, industriel, né à Tunis en 1937. Directeur de sociétés et restaurateur. Fondateur du restaurant parisien à la mode, "Chez Edgar", rendez-vous des hommes politi­ques et de la presse. Ingénieur de l'Ecole Supérieure des Industries Textiles de Lyon. Héritier de l'affaire familiale de textile, il fut contraint de quitter la Tunisie après la Guerre des Six Jours, les émuetiers anti­israéliens ayant mis le feu à son usine.

BENMSIBA

Nom patronymique d'origine arabe au sens difficile à cerner, sans doute ethnique de lieu. Le nom est attesté au Maroc au XVIème siècle, figurant sur la liste Tolédano des patronymes usuels à l'époque. Au XXème siècle, nom très peu répandu, porté au Maroc.

BEN NAHMAN

Nom patronymique d'origine hébraïque formé de l’indice de filiation Ben et du prénom votif Nahman, consolation, équivalent de Ménahem donné généralement aux garçons nés le jour de Ticha Beab qui commémore la destruction du Temple. Sous la forme de Nahman ce prénom n'était presque plus donné au Maghreb et il n'a subsisté que comme nom patronymique. Le nom est attesté au Maroc au XVIème siècle, figurant sur la liste Tolédano des patronymes usuels à cette époque. Au XXème siècle, nom très rare, sinon disparu.

BEN NATHAN

Nom patronymique d'origine hébraïque, formé de l'indice de filiation et du prénom biblique masculin Nathan, qui signifie (Dieu) a donné, à rapprocher de l'arabe Attias et du prénom français Dieudonné. Ce prénom fut illustré dans la Bible par le prophète qui reprocha son inconduite au roi David et lui transmit l'ordre de Dieu de ne pas lui construire de Temple: "Va dire à mon serviteur David: Ainsi a parlé l'Etemel: Quoi!, tu veux m'ériger un temple pour ma résidence ? Pourtant, je n'ai point demeuré dans un temple , depuis le jour où je tirai de l'Egypte les enfants d'Israël jusqu'à ce jour" (II Samuel, 7, 5-6), l'assurant que son fils Salomon lui le ferait avec l'assentiment divin. Ce prénom populaire jusqu'à nos jours dans les communautés achkénazes, n'était plus donné au Maghreb depuis le milieu du XVIIème siècle, depuis l’échec du mouvement messianique de Shabtaï Zvi dont Nathan Ackénazi, dit Haazati, fut le prophète et l'organisateur inspiré. Très fortement ébranlées par la crise messianique, les communautés du Maghreb l'avaient surmontée en refoulant jusqu'au souvenir du nom du faux Messie et de son prophète. Ce prénom n'y a susbsisté dès lors que comme nom patronymique. Autre forme sans l'indice de filiation: Nathan. Au XXème siècle, nom très peu répandu, porté presque uniquement en Algérie, à Constantine.

  1. ABRAHAM: Saint dont la tombe à Azemour, sur côte atlantique marocaine, était un lieu de pèlerinage local

Benmoussa-Benmsiba-Ben Nahman-Ben Nathan

מנחם ויינשטיין-המשבר הרוחני והחברתי בקהילת אלג׳יר במאה הי״ח ובראשית המאה הי״ט

יהדות-צפון-אפריקה-במאות-יט-כ

הרדיפה אחרי מותרות ותענוגות

השגשוג הכלכלי של משפחות הסוחרים והתלויים בהם, הביא לרדיפה אחרי הנאות חמריות גשמיות, כגון: בגדים ומזון, בלא חשש מן התוצאות החברתיות־ מוסריות, שעלולות לנבוע מן הרדיפה אחרי המותרות. בני־הקהילה לא קיבלו עליהם הגבלות לצמצום התענוגות והשעשועים. כאשר הקהילה ערכה הסכמה, שבניה לא יתאספו וישחקו בקוביה ושאר מיני־שחוק, קמו מתנגדים רבים וטענו, שזו גזירה שאין הציבור יכול לעמוד בה.

הערת המחבר: יהודה עייאש, וזאת ליהודה, זולצבאך תקל״ו, בהקדמת יוסף בושערה: בי״ה ב: ק; וכן ראה שם נד, בדבר יהודי אמיד בעל חימה וכעס, מקלל ומכה ומפסיד רוב נכסיו במשתה היין והשיכר ובמשחק הקוביה.ע"כ

משבר המקובלים

בתקופה שקדמה ליציאתו של ר׳ יהודה עייאש מאלג׳יר, נהגו אמנם לקיים מספר מנהגים על־פי הקבלה, אולם, כנראה, עדיין לא היה פיצול בין המקובלים לשאר חלקי־הציבור. אבל, תקופה מסוימת לאחר יציאתו של ר׳ יהודה עייאש מן העיר, הביעו המקובלים את דעתם נגד מנהגים, שהיו נהוגים בבתי־הכנסת באלג׳יר במשך דורות, שהש״ץ איננו חוזר על תפילת שמונה־עשרה. כן התנגדו למנהג עשיית הפסקות בתפילה בין ישתבח לברכת יוצר אור, ובברכות קריאת שמע, ואפילו בג׳ ברכות ראשונות ובברכות אחרות של תפילת העמידה, על־מנת לומר בהפסקות אלו פיוטים, קינות וסליחות במועדים שונים. מנהגים אלו היו בניגוד לשיטת האר״י, לכן הנהיגו המקובלים במספר בתי־כנסת תיקונים בתפילה, בניגוד למנהגים שהיו נהוגים באלג׳יר.

על רקע זה פרצה מחלוקת חריפה בין המקובלים למתנגדיהם. המחלוקת הגבירה את חילוקי־הדעות, הפיצול החברתי, וחוסר המשמעת למרותם של מורי־ההלכה באלג׳יר. אחד הסימנים לירידת השפעתם ומרותם של חכמי אלג׳יר, היתה העובדה שהמקובלים לא פנו בשאלה אל חכמים באלג׳יר כר׳ אברהם יאפיל, או ר׳ יעקב בן־נאים, אלא שלחו את שאלתם אל ר׳ רפאל מסעוד אלפסי מחכמי תוניס, שתמך בדעתם של המקובלים באלג׳יר.

הערת המחבר: מסעוד רפאל אלפאסי, משתא דרבותא, ליוורנו תקס״ה, או״ח: קיב. שאלה נוספת מאלג׳יר לטוניס אל רבו של ר׳ עוזיאל אלחאייך ותשובתו של האחרון, משכנות הרועים, שם. גם היא מעידה על המשבר הפנימי בקהילה היהודית.

יציאת ר׳ יעקב בן־נאים מאלג׳יר

רמזים על המצב הרוחני והחברתי הקשה, מצויים בהקדמתו של ר׳ יעקב בן־נאים לספרו ׳זרע יעקב׳, שנכתב לאחר יציאתו מאלג׳יר. לאחר שסיפר בשבחה של העיר כתב:

ולא יכול יוסף להתאפק לכל הדברים הניצבים, כי מי יוכל לשפוט את העם הכבד הזה והמה חכמים מחוכמים, והן אני נשארתי לבדי ואין עוזר לי…ורבו מלשני סתרים.

כיוון שר׳ יעקב בן־נאים לא היה החכם היחיד באלג׳יר בתקופתו, ברורה כוונתו, כלומר, הוא נשאר לבדו במאבק למען קיום ההלכה וטוהר המידות.

רמזיו של ר׳ יעקב בן־נאים היו נשארים סתומים, לולא תשובותיהם של חכמי ארץ־ישראל לשאלות קהילת אלג׳יר, המגלות טפח מן הנעשה בקהילה בשלהי המאה הי״ח.

בין מעשי־העוול שנעשו בקהילה, ניתן למנות את התערבותו של הנגיד רפאל יעקב בושערה לטובת אחד מקרובי אשתו. הנגיד איים והשפיע על סופר לפגום במתכוון בצוואה שנכתבה בשנת תקי״ח (1758). במשך כעשר שנים עד למותו, מנע הנגיד מבית־הדין היהודי ומן הקאדי המוסלמי, לבצע דין צדק ולהחזיר את הרכוש ליורשיו.

אף ר׳ אהרון הכהן סלמון שבא להציל עשוק מיד עושקו, לא היה מן הישרים וההגונים שבעשירי ומנהיגי יהדות אלג׳יר, כפי שמסתבר מאחת מתשובותיו של רפאל שלמה הלוי שליח ירושלים באלג׳יר בשנת תקנ״ה(1795).״ מתשובה זו אנו למדים כי יריבו הגדול של ר׳ יעקב בן־נאים היה אהרון הכהן סלמון, ששימש תקופה מסוימת כנגיד, והיה חמיו של הנגיד אברהם בושערה. שמו של אהרון יצא לשימצה בקהילה היהודית באלג׳יר כגזלן, חמסן, מלשין, נואף ורוצח אשר הטיל אימתו על הציבור. הסכסוך בין אהרון עם ר׳ יעקב בן־נאים נבע מפסק־דין שפסק ר׳ יעקב בן־נאים כנגדו, בסכסוכו עם שני אחים ביחס לחצר מסוימת. בפסק־דין זה ביטל ר׳ יעקב בן־נאים פסק־דין קודם של ר׳ אברהם יאפיל לטובתו של אהרון־כהן סלמון.

אהרון הכהן לא השלים עם פסק־הדין נגדו. לכן החל במערכת לחצים לביטול פסק־הדין של ר׳ יעקב בן־נאים ולמניעת ביצועו. בינתיים, עזב ר׳ יעקב בן־נאים את אלג׳יר ועבר לליוורנו. הבעיה נשארה פתוחה עד לבואו של השד״ר רפאל שלמה הלוי. ביוזמת אהרון וחתנו הנגיד, הטיל מוצטפא, שליטה של אלג׳יר, על השד״ר לפסוק מחדש בדבר. לכתחילה סירב ר׳ רפאל הלוי לקבל על עצמו את התפקיד, אולם לבסוף ניאות לקבלו בתנאי, שאהרון הכהן יתחייב לקיים את פסק־הדין הן לזכות והן לחובה.

אהרון קיבל על עצמו את התנאי, אולם מיד לכשנתברר לו שהדין נוטה כנגדו, החל להפעיל לחצים ואיומים נגד הפוסק. בפעולות אלו סייעו בידו, ר׳ עמרם עמר ור׳ אברהם טובייאנה חתניו, שהיו מחכמי וממקובלי אלג׳יר. הלחצים והאיומים הופעלו גם כנגד החכמים והדיינים שבעיר, וביניהם ר׳ יעקב מורעלי, אשר נאסר עליו להשאיל לשד״ר הפוסק ספרים ואף לשוחח עמו. כן פיתו את ר׳ יהודה הלוי, שהיה דיין בתיטואן לפסוק כנגד פסק־הדין של השד״ר. בתחילה סירב, אמנם, ר׳ יהודה הלוי להיכנע ללחצים, אולם לבסוף נאלץ לוותר על דעתו, ואילו הנגיד ר׳ אברהם בושערה, אשר צריך היה לעמוד בפרץ, סייע לחמיו, והודיע לשד׳׳ר, כי צפויה סכנה חמורה לאחים בעלי־דינו של אהרון הכהן סלמון, ולאנשים נוספים אם יחויב אהרון הכהן סלמון בדין. בסופו של דבר נאלצו האחים לוותר על הנכס, ולמכרו לאהרון הכהן סלמון, ואילו ר׳ רפאל שלמה הלוי, שנמנע ממנו להוציא את הדין לאשורו, החליט לשלוח את הבעיה אל ר׳ יום טוב אלגאזי ראש חכמי ירושלים, על־מנת שיפסוק בדבר ויציל את העשוקים מידי הגזלן.

תמצית העניין שהובאה לעיל הנה מעודנת, אולם הקריאה בתשובתו של ר׳ רפאל שלמה הלוי, משאירה רושם קשה ביותר על השחיתות שפשטה בקרב הדיינים, החכמים והנגיד אשר לא התריעו כנגד עוולות, ונכנעו לאלמים וחזקים מסוגו של אהרון.

מנחם ויינשטייןהמשבר הרוחני והחברתי בקהילת אלג׳יר במאה הי״ח ובראשית המאה הי״ט-עמוד נח

Elie Cohen—Hadria-Les Juifs francophones dans la vie intellectuelle et politique de la Tunisie entre les deux guerres

Dans ces conditions, il importait relativement peu que, dans l’ensemble, l’attitude des Français de Tunisie ait été, elle, entachée d’antisémitisme. Il importait peu même que les autorités françaises manifestent quelque réticence à l’égard de la volonté de nombreux Juifs tunisiens d’adopter la France et de se faire adopter par elle. Ni les uns ni les autres n’étaient la vraie France. Avec une vitesse et une ardeur variables certes, mais résolument, les Juifs de Tunisie choisirent donc la culture française, du moins ceux du Nord et de la côte orientale. Les Juifs du Sud, les Djerbiens en particulier, étaient plus réticents et le restèrent longtemps.

Pour beaucoup de Juifs avides de culture française, l’Alliance, qui ne diffusait que l’enseignement primaire, ne paraissait plus suffisante. Les jeunes Juifs tunisiens étaient de plus en plus nombreux au Lycée. Quelques chiffres révélateurs: en 1914, pour les deux sessions du Baccalauréat (juillet et octobre), il y eut à Tunis, au total, 90 reçus — 51 en première partie, 39 en deuxième partie. Parmi eux, 27 Juifs, soit 30%: 15 en 1ère partie, 12 en 2ème partie, à peu près tous tunisiens. Sur ces 27 bacheliers, 12 deviendront médecins, 9 avocats, et la plupart demanderont à bénéficier de la législation d’après-guerre pour acquérir la nationalité française. A titre de comparaison, pour les mêmes sessions du Baccalauréat, il n’y eut que 5 musulmans reçus: 3 en 1ère partie, 2 en 2ème partie.

Sur un plan plus politique, un groupe important de Juifs tunisiens, rassemblés autour de Mardochée Smaja et de son journal, La Justice, réclamait l’extension de la juridiction française aux Juifs tunisiens, ce qui devait les soustraire, et à la justice tunisienne de droit commun, et au Tribunal rabbinique. Si sur le premier point, la plupart des Juifs étaient d’accord, sur le second, il y avait évidemment de très fortes réticences. On n’en veut pour preuve entre autres que la résistance acharnée et finalement victorieuse opposée à la désignation à la tête du Grand Rabbinat de Tunisie d’un Grand Rabbin français, même si celui qui postulait ce poste était originaire de Tunisie, parlait lejudéo- arabe, et appartenait à une famille de rabbins tunisiens unanimement respectés; mais il avait fait des études rabbiniques au Séminaire de Paris, vice presque rédhibitoire.

En 1914, nombreux furent les Juifs tunisiens qui demandèrent à contracter un engagement pour la durée de la guerre. Mais la résistance des autorités, et la sévérité systématique des Conseils de révision firent que finalement il y eut assez peu d’engagements. Mais le rôle joué par les Anciens Combattants juifs dans la vie de la Communauté dans l’entre deux guerres ne fut pas négligeable.

La guerre de 14-18 permit à la population juive de Tunisie une rapide évolution. Tenue à l’écart du conflit, une fraction chaque année plus importante de sa jeunesse poursuivit ses études supérieures et tout laissait prévoir qu’elle ne tarderait pas à prendre dans la vie du pays une place considérable, sinon prépondérante. D’autres jeunes, lancés dans les affaires dans des circonstances favorables, avaient fait fortune. Les uns et les autres tendaient à s’échapper de la Hara, le vieux ghetto insalubre, et à s’installer dans la nouvelle ville, avec quand même une tendance marquée au regroupement dans certains quartiers.

Actifs, dynamiques, volontiers bruyants, ils provoquèrent l’irrita­tion des Français revenus épuisés de la lourde épreuve de la guerre. Des manifestations antisémites, soit proprement françaises, soit musulmanes (mais en réalité téléguidées par des Français), la résistance du barreau et du syndicat médical français à l’invasion juive, en furent les manifestations extérieures. Toutefois, de plus ou moins bonne grâce, cette agitation finit par se calmer. Les pouvoirs publics en vinrent même bientôt à considérer que, tout compte fait, face au péril italien et aux revendications tunisiennes (c’est-à-dire musulmanes), la poussée juive, à condition d’être un peu contenue et canalisée, pouvait être bénéfique pour l’influence française, et une fraction assez importante de l’opinion de droite fit la même analyse. C’est ainsi que le quotidien de la prépondérance française, La Tunisie Française, se fit systématiquement le défenseur des Juifs, et que le Parlement français, sur la proposition d’Emile Morinaud, passagèrement atteint de philosémitisme entre deux poussées d’antisémitisme virulent, vota en 1923 une loi qui permit à de nombreux Juifs tunisiens d’accéder à la naturalisation française. Ceci dit, dans la pratique, comme il y avait aux yeux des pouvoirs publics trop de demandes de juifs et pas assez de musulmans ou d’italiens, les dossiers juifs bénéficièrent d’une moindre indulgence. Les résultats en furent cependant considérables. Alors que les naturalisations accordées à des Juifs tunisiens de 1881 à 1923, y compris celles des engagés volontaires de la guerre, ne bénéficièrent au total qu’à 187 majeurs et 115 mineurs, celles obtenues de 1924 à 1930 en vertu de la loi de 1923 se montèrent à 2637 majeurs et 2828 mineurs—soit, en moyenne, 377 majeurs et 404 mineurs par an. Le phénomène marqua par la suite quelque essoufflement, mais nous n’avons pas pu obtenir les chiffres exacts.

Qu’elle demande ou non sa naturalisation, cette population juive de Tunisie adopte de plus en plus le français comme langue d’usage. Il persiste sans doute dans le Sud certains secteurs où l’on ne parle que le judéo-arabe. Et il y a les vieilles grand-mères. Mais, surtout à Tunis, les jeunes désapprennent le judéo-arabe, n’en conservant que les quelques mots nécessaires pour se faire comprendre des anciens. Quant à la presse écrite judéo-arabe, elle connaîtra une longue agonie: le dernier journal judéo-arabe paraissait encore à Sousse au moment de l’indépendance.

Les autres langues de culture sont aussi en déclin. Le fascisme, sans encore manifester à proprement parler d’antisémitisme, a éliminé les élites juives, traditionnellement libérales, au profit des viticulteurs et des maçons enrichis, d’origine le plus souvent sicilienne, davantage attirés par l’idéologie du Duce. Et si la plupart des Juifs italiens rongent leur frein et restent fidèles à leur patrie, assez nombreux seront ceux qui s’orienteront vers la France, demanderont et obtiendront la nationalité française ou à tout le moins, enverront leurs enfants dans les écoles françaises, ce qui en principe devra assurer l’assimilation à la génération suivante.

Quant à l’arabe littéraire, il n’avait jamais beaucoup attiré les Juifs tunisiens. Pour prendre un exemple limité mais concret, sont de plus en plus rares les avocats juifs qui, pour plaider devant les juridictions tunisiennes, croiront nécessaire d’apprendre l’arabe littéraire. En fait, s’il y a quelques arabophones vrais parmi les juifs du barreau, un seul d’entre eux sera vraiment un arabisant de qualité: Isaac Cattan.

Les Juifs tunisiens ne se contentent pas de s’exprimer en français dans leurs relations quotidiennes. Il aspirent à faire plus. Ils veulent participer à des échanges culturels de divers ordres. Ils se précipitent au théâtre et dans les salles de conférences. La conférence sera pendant l’entre deux guerres un mode de transmission de la culture très prisé.

Elie Cohen—Hadria-Les Juifs francophones dans la vie intellectuelle et politique de la Tunisie entre les deux guerres page 54

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