Tehila le David- Section francaise-Andre E.Elbaz et Ephraim Hazan-1999

Après la destruction des communautés juives andalouses par les Almohades, au milieu du Xlle siècle, l’Ecole espagnole amorce son déclin. Cependant, des poètes hébraïques comme Yéhouda Al-Harizi ou Todros AbouBafia, en Espagne chrétienne, Yishaq Ben Shéshet Perfet et Shim‘on Ben Sémah Douran, réfugiés espagnols à Alger, ou Yéhouda Ben Dra‘ et Yéhouda Sigilmassi, au Maroc, continuent à composer leurs poèmes selon les normes classiques. De même, après l’Expulsion de 1492, des poètes espagnols comme Sa‘adya Ibn Danan, Abraham Ha- Lévi Baqrat et Abraham Abi-Zimra s’installent au Maghreb, où, avec des poètes expulsés de la deuxième et troisième générations comme Abraham Gabishon et Yishaq Mandil Aben Zimra, ils constituent un pont entre la poésie et la culture andalouses et la poésie hébraïque nord-africaines des siecles suivants.

  1. Yéhouda Al-Harizi (c.ll70-m. après 1235): auteur espagnol de maqamat, pièce

 en prose rimée, imitées de l’arabe-sefer tahkemoni- et traducteur du (more nevouchi,) de Maimonide.

Todros Ben Yéhouda Ha-Lévi Aboul'afia (1247-C.1300): poète populaire à la Cour de Tolède.

Yishaq Ben Shéshet Perfet, dit Ha-Ribash (1326-1408): illustre rabbin et poète espagnol né à Barcelone, réfugié à Alger à la suite des massacres de 1391 (voir ci- dessus, note 31, p. 61).

Shim'on Ben Sémah Douran, dit Rashbas (1361-1444): savant rabbin, philosophe, médecin et poète espagnol, lui aussi réfugié à Alger à la suite des massacres de 1391. Ses responsa y exercent une grande influence.

Yéhouda Ben Shémouel Ben Dra‘: poète marocain du XHIe ou XIVe siècle (cf.

Ephraïm Hazan, ״רבי יהודה בן שמואל בן דראע משורר קדום ממרוקו״, Sinaï 92 [1983]:138-149).

Yéhouda Ben Yossef Sigilmassi: poète marocain de la deuxième moitié du XlVe siec (cf. Shim‘on Bernstein, ״ר׳ יהודה בן יוסף סג׳למאסי, הפייטן הנשכח ופיוטיו״, in 19561:217-233] 12 חורב

  1. Sa’adya Ben Maïmon Ibn Danan (mort en 1493): illustre rabbin, grammairien, grand poète et médecin originaire de Grenade, réfugié en Algérie à la suite de l’Expulsion espagnole de 1492, auteur d’un traité sur la versification hispano- hébraïque, מלאכת השיר (Francfort-sur-le-Main, 1865).

Abraham Ben Shélomo Ha-Lévi Baqrat (fin du XVe-début du XVIe siècle): poète originaire de Malaga, en Espagne, réfugié à Tlemcen à la suite de l’Expulsion de 1492, auteur de nombreux poèmes encore inédits.

Abraham Ben Méir Abi-Zimra, ou Zmiro: poète espagnol, originaire de Malaga, réfugié à Tlemcen avec son ami Abraham Baqrat après l’Expulsion. Loué pour son érudition et sa connaissance de la langue et de la poésie arabe dans עומר השכחה, d’Abraham Gabishon (Livourne, 1748), pp. 126-127.

Abraham Ben Ya’aqov Gabishon (15657-1605): talmudiste, médecin et poète algérien, descendant d’Expulsés espagnols. Nombre de ses poèmes ont  été publiés dans

עומר השכחה

Yishaq Mandil Aben Zimra (mort après 1614): rabbin et poète à Fez, puis en Algérie, fils d’Abraham Abi-Zimra.

David Ben Hassine connaît "les traités théoriques et la poésie des grands classiques" séphardis, et il considère "notre maître Yéhouda Ha-Lévi" comme "le plus grand des poetes"

 Du XVIe au XVIIIe siècle, les poètes hébraïques maghrébins restent conscients de la prééminence des modèles classiques espagnols. Ya‘aqov Abensour, de Fez (1673-1752), et Moshé Abensour, de Salé (mort après 1717), sont les derniers poètes à rester fidèles à la métrique classique d’origine arabe, dans une partie de leur oeuvre. Mais la poésie marocaine va bientôt suivre sa propre voie, et adopter progrès- sivement les techniques et les thèmes que nous retrouvons chez les poètes des XVIIIe et XIXe siècles. En général, ces derniers s’affranchissent des modèles prosodiques arabes, par trop contraignants. Ainsi, David Ben Hassine et ses contemporains, en Afrique du Nord comme en Orient, n’utilisent plus le mètre quantitatif espagnol, mais le mètre "syllabique- phonétique", beaucoup plus souple et plus naturel, mieux adapté à la langue hébraïque.

Au point de vue linguistique, ils abandonnent le purisme biblique des grands classiques séphardis. Leur hébreu, plus simple, plus populaire, puise dans toutes les sources historiques de la langue: Mishna, Talmud, prières, langue de la philosophie et de la kabbale. Ils n’hésitent pas à utiliser l’araméen. La langue de David Ben Hassine abonde en néologismes: mots nouveaux créés de toutes pièces par le poète, acceptions nouvelles données à des termes existant déjà dans la langue hébraïque.

Les poètes maghrébins généralisent l’usage de la signature en acrostiche, et adoptent avec enthousiasme la technique du shibbous, ou insertion dans leurs piyyoutim d’une mosaïque de versets ou de fragments de versets bibliques, et de textes des prières et du Talmud, prati- quée par les poètes séphardis depuis l’époque classique espagnole. Chez David Ben Hassine, nous trouvons même un hémistiche entier pris dans un poème de Yéhouda Ha-Lévi, ce qui confirme qu’il connaît bien les grands classiques du Moyen Age. En fait, il ne se contente pas d’insérer des fragments de textes sacrés dans ses compositions poétiques. Avec une virtuosité éblouissante, il change l’orthographe des termes

empruntés, ce qu’il signale souvent, avec un clin d’oeil au lecteur, par des guillemets. Il leur attribue un sens inattendu, riche de sous-entendus, radicalement différent de celui qu’ils avaient dans le texte sacré original, ou encore se livre avec humour à des jeux de mots, des calembours spirituels qui montrent sa maîtrise de l’hébreu et de l’araméen, mais en même temps, intègrent harmonieusement ces insertions dans sa création poétique.

La poignante "Elégie sur la mort d’une femme en couches" con­tient de nombreuses illustrations de cette technique. Le vers 6, "Pour prendre le deuil de Sara et pour la pleurer" reproduit Genèse, xxiii, 2. Au vers 7, "Une voix retentit dans Rama" (Jérémie, xxxi, 14) devient "Un cri d’affliction amer" (mara, en hébreu). Au vers 22, les avances lascives de la femme de Poutifar à Joseph, "pour être à ses côtés et coucher avec elle" (Genèse, xxxix, 10), évoquent l’image saisissante d’un bébé innocent qui veut téter le sein de sa mère morte! Aux vers 17־ 18, l’appel pathétique de la mère mourante, qui donne le ton à toute cette élégie, est pris directement dans le livre de Job (xvii, 14). Elle aussi crie à la tombe qui l’attend: "Tu es mon père!", et aux vers de terre qui vont bientôt ronger son cadavre: "Tu es ma mère et ma soeur!" Enfin, au vers 35, comme dans beaucoup d’autres de ses piyyoutim, le nom du poète se profile derrière un des noms donnés au Tout-Puissant dans le Psaume 89, verset 9 ("Hassine", en hébreu). L’usage, et souvent l’abus, du shibbous caractérise la poésie hébraïque nord- africaine des quatre derniers siècles.

  1. Ces jeux de mots sont très nombreux dans les piyyoutim de David Ben Hassine. Ainsi, dans l’élégie ״הנה מית״תו שלשלמה״,״קול שופר במחנה״, au lieu de ״הנה מטתו שלשלמה״ (Cantique des Cantiques, iii, 7); dans le piyyout ״מזמור שיר השירים״, il écrit au premier vers, ״שיר השירים אשי״ר לשלמה״, au lieu de ״שיר השירים אשר לשלמה״ (Cantique des Cantiques, i, 1), et, au vers 29, "זהו מקומן של שבחים" au lieu de "איזהו מקומן של זבחים״ CMishna, Zévahim, v, 5); dans le piyyout ידידי תן הוד״", le poète joue avec les lettres du dernier mot de chacun de ses vers, par exemple, au début, en épelant le nom de la personne louangée, Eliézer: ׳אל״ף למ״ד יו״י עי״ן זיי״ן רי״ש׳, etc.
  2. On trouvera d’autres exemples de la technique du shibbous dans l’introduction hébraïque.

Tehila le David- Section francaise-Andre E.Elbaz et Ephraim Hazan-1999-page-103

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